Des analyses ont révélé la présence de microplastiques incrustés dans les tissus des baleines et des phoques. Ce phénomène perdurerait même depuis plus de 20 ans. Les chercheurs émettent plusieurs hypothèses quant à l’incidence de ces microplastiques sur la santé des animaux marins.
“Aujourd’hui, une petite proportion de la masse des baleines est due aux microplastiques !”, s’insurge le chercheur Greg Merrill, auteur d’une nouvelle étude. De précédentes recherches effectuées en 2021 estimaient à 24,4 milliards de milliards de morceaux de microplastiques dans les océans. Sans surprise, plusieurs études témoignent donc de leur ingestion quotidienne par les animaux marins. Les baleines bleues absorberaient ainsi jusqu’à 10 millions de morceaux de microplastiquespar jour ! Des chercheurs se sont intéressés au devenir de ces paillettes dans l’organisme des baleines et des phoques. Leurs résultats ont été publiés dans la revue Environmental Pollution.
Des microplastiques dans deux tiers des échantillons
Les biologistes ont prélevé des échantillons de tissus sur 32 animaux échoués entre 2000 et 2021. Pour les analyser, ils les ont d’abord dissous puis filtrés, extrayant ainsi les microplastiques. Résultat : deux tiers des échantillons en sont empreints. “On a même retrouvé des microplastiques dans un échantillon de graisse d’une baleine morte en 2001”, dévoile l’auteur principal pour Sciences et Avenir.
Une découverte qui témoigne que cette migration des microplastiques dans le corps des baleines perdure depuis au moins 22 ans. Des individus de 12 espèces différentes ont ainsi été étudiés, dont un phoque barbu. A titre indicatif, les chercheurs ont extrait jusqu’à 7 morceaux de plastique dans les échantillons de 20 grammes (soit 7cm²). “C’est une preuve navrante de l’omniprésence de la pollution plastique dans le monde”, ajoute Greg Merrill.
Les graisses et les poumons sont touchés
Après avoir été ingérés, les microplastiques migreraient dans l’organisme des animaux marins, et en particulier dans certains tissus. Pour leurs analyses, les chercheurs ont essentiellement prélevé des échantillons de graisse. Par exemple, le melon frontal (organe qui produit les ultrasons) chez une baleine à dents, ou encore les coussinets adipeux le long de la mâchoire inférieure des cétacés. Mais pourquoi ? Les microplastiques sont “lipophiles”, c’est-à-dire qu’ils sont attirés par la graisse. Les biologistes ont donc émis l’hypothèse que leur concentration serait plus importante dans les tissus adipeux. “Toutefois, je soupçonne fortement la présence de microplastiques dans d’autres organes également”, confesse Greg Merrill. D’ailleurs, les prélèvements de tissus pulmonaires effectués par l’équipe de l’Université Duke (Etats-Unis) confirment déjà cette hypothèse.
Les plastiques sont lipophiles et peuvent se retrouver dans la graisse et les coussinets adipeux. Crédit : Greg Merrill Jr, Université Duke
Alors que retrouve-t-on dans ces tissus ? Des fibres de polyester (contenues dans les vêtements), et du polyéthylène (présent dans les bouteilles). Il s’agit des microplastiques les plus courants au sein des échantillons de peau analysés par les biologistes. L’étude mentionne également l’abondance de particules plastiques de couleur bleue découvertes dans ces tissus, certaines atteignant jusqu’à 537 microns. En comparaison, le diamètre d’un cheveu humain mesure environ 100 microns.
Quels risques pour les mammifères marins ?
La prochaine étape pour les chercheurs consiste à déterminer les conséquences exactes de la présence des microplastiques dans l’organisme des animaux marins. “Mais nous connaissons d’ores et déjà leurs effets sur d’autres animaux, dont les humains, rappelle le biologiste. Ils pourraient causer des dommages physiques aux organes et tissus internes en les déchirant, mais aussi des dégâts chimiques.” Les plastiques et les molécules qui les constituent pourraient en effet agir comme des perturbateurs endocriniens. Ils interfèreraient donc avec les hormones qui régulent la reproduction, le système immunitaire et le système nerveux des animaux.
A partir des biopsies de peau de baleine, Greg Merrill a cultivé des populations de cellules et travaille déjà sur leur exposition à des microplastiques. Ces analyses toxicologiques témoigneront des différents impacts du plastique sur le métabolisme des mammifères marins
Source : sciences et avenir