Un observatoire de l’environnement nocturne, qui associe des chercheurs et des techniciens de terrain, vient de voir le jour et planche notamment sur la question de la pollution lumineuse
- Depuis plusieurs années, les études se multiplient sur l’impact négatif de la pollution lumineuse sur la biodiversité.
- Un observatoire de l’environnement nocturne, qui réunit à la fois des chercheurs et des techniciens de terrain, vient de voir le jour et planche sur les questions de pollution lumineuse et sonore.
- Pour son fondateur, Samuel Challéat, le traitement de ces pollutions doit se faire au cas par cas et de manière concertée pour que des actions puissent aboutir, plus que par la mise en place de normes.
Cet hiver, à la faveur de la crise énergétique, de nombreuses communes ont décidé d’éteindre leurs lampadaires la nuit afin de réduire leur facture d’électricité. Ce retour de l’obscurité dans certaines parties du territoire, suréclairées jusqu’à présent, l’a été en raison d’intérêts économiques. Rarement pour des raisons écologiques ou pour l’impact sur la santé humaine, même si à la marge l’argument a été mis en avant par des acteurs politiques.
Pourtant, ces dernières années, la question de la pollution lumineuse fait son chemin. Et les études pointent de plus en plus l’impact négatif sur le rythme biologique des espèces nocturnes, ce qui est le cas de 28 % des vertébrés et 64 % des invertébrés. Une récente publication du CNRS a montré que cette source de pollution modifiait les gènes impliqués dans le fonctionnement du système immunitaire et le métabolisme lipidique des têtards de crapaud. Les insectes ne seraient pas en reste. Déjà victimes des pesticides, la lumière artificielle les rendrait incapables de remplir certaines fonctions biologiques selon des chercheurs de l’université Washington de Saint-Louis.
Un observatoire interdisciplinaire
Autant de signaux d’alarme qui font prendre conscience du problème et ont poussé certains à mettre en place il y a quelques années des réserves de ciel étoilé, comme celle du Pic du Midi en 2013. C’est à cette période que le collectif Ressources environnementales nocturnes et territoires (Renoir) a vu le jour. Un réseau de chercheurs et de praticiens spécialisés sur ces questions et qui vient de fonder l’Observatoire de l’environnement nocturne, composé aussi bien de géographes, d’astrophysiciens, de spécialistes de l’écologie et de paysagistes. Loin d’opposer la recherche scientifique sur l’impact de la pollution nocturne à ceux qui sont des acteurs de l’éclairage public, il tend plutôt à faire la jonction entre les deux.
« Depuis trente ans, les publications nous disent que la lumière artificielle a des impacts négatifs sur l’écologie. Et en parallèle, il y a des besoins socio-économiques. Nous, nous prônons la sobriété lumineuse, qui va au-delà de la sobriété énergétique. D’autant qu’aujourd’hui cela passe souvent par un éclairage plus intense en consommant moins, avec la technologie LED qui accroît les effets négatifs sur l’environnement. Les LED c’est intéressant si on baisse l’intensité, si on envoie la lumière vers le sol c’est bien mais pas si on en envoie dix fois trop », indique Samuel Challéat, chercheur du CNRS au laboratoire géographie de l’environnement et fondateur de l’Observatoire qui planche sur ces questions avec de nombreuses collectivités.
La fausse bonne idée de la trame noire ?
L’éclairage public est ainsi au cœur de leurs nombreuses réflexions puisqu’il possède sur les animaux vivant la nuit à la fois un pouvoir d’attraction et de répulsion, et participe à la fragmentation de leur habitat naturel. Pour restaurer des corridors écologiques sombres, les pouvoirs publics ont ainsi décidé de promouvoir la « trame noire », au même titre qu’il existe déjà des trames bleues et vertes pour maintenir des continuités naturelles. Sur la base de cartographies, les points de conflit sont identifiés afin d’être traités.
Sur le papier, cette démarche semble idéale pour restaurer les lieux de vie des mésanges bleues ou de la chauve-souris. « Mais penser que le vivant va se déplacer le long de ces corridors sombres, c’est une vision très BTP. L’autre problème est celui de l’échelle, un crapaud va se déplacer sur 50 mètres, une chauve-souris sur 5 km, un oiseau migrateur sur 300 km. Du coup, on fait la trame pour qui ? », pose Samuel Challéat pour qui la question de l’extinction pure et simple peut « devenir sclérosante en matière d’actions publiques ».
Pour les membres de l’observatoire, il faut sortir des normes pour faire du cas par cas et construire un compromis. « Il faut voir quel lampadaire on maintient, lequel on éteint, à quelle intensité, quels horaires. Il faut rendre la chose négociable, ça ne peut pas être une norme parce qu’on ne rééquilibrera pas de la même manière à Paris que dans les Pyrénées. Il faut être à l’échelle de la commune et travailler que la question de la qualité de l’environnement qui prend aussi en compte la question de la pollution sonore », plaide le chercheur toulousain.
Cela passe par des ateliers avec la population, des déambulations sur le terrain ou encore le déploiement de réseau de capteurs de suivi de la pression lumineuse. C’est ce qu’a mis en place à la Réunion dont le développement de l’urbanisation a eu un réel impact sur la multiplication des sources de pollution lumineuse sur l’île. Aujourd’hui, l’impact sur les chauves-souris de l’avancement de l’extinction est en cours d’étude afin de voir si la réduction du temps d’éclairage a été bénéfique. Une méthodologie que le laboratoire public est prêt à partager et dupliquer afin d’améliorer un peu partout la qualité de l’obscurité.
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