Relayée par le Guardian, une étude publiée dans la revue Science (15 février) révèle que 52 % des projets de plantation d’arbres en Afrique se déroulent dans des savanes (souvent intactes) plutôt qu’au sein de forêts dégradées.
Planter des arbres dans un écosystème en bonne santé, et surtout, qui n’a pas grand-chose à voir avec une forêt – en l’occurrence, une savane ou une prairie. Un non-sens évident qui, pourtant, concernerait en Afrique un territoire équivalent à la superficie… de la France métropolitaine !
Lumière du soleil bloquée
Lorsque des arbres sont plantés dans un écosystème « ouvert » tel qu’une savane ou une prairie, le couvert arboré qui se forme finit par bloquer une partie de la lumière du soleil. Progressivement, le milieu « se ferme », au détriment de certaines formes de végétation et de la faune qui s’en nourrissait – les rhinocéros et les gnous, notamment, désertent les lieux.
Or, d’après une étude publiée dans la revue Science (15 février 2024), 52 % des projets de plantation d’arbres en Afrique se déroulent dans des savanes, et près de 60 % d’entre eux utilisent des essences non indigènes, au risque d’introduire des espèces invasives.
Parmi les projets décriés par les auteurs en raison de la « menace » qu’ils représentent, l’initiative de restauration des paysages forestiers africains (African Forest Landscape Restoration Initiative) « vise à planter des arbres sur 100 millions d’hectares de terres d’ici à 2030 », souligne le Guardian.
Un problème de définition
Comment en arrive-t-on à une telle absurdité ? Les chercheurs pointent un problème de terminologie. Ainsi, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) définit comme une « forêt » toute zone de terre de plus de 0,5 hectare avec des arbres de plus de 5 mètres de haut et un couvert végétal d’au moins 10 %.
Or, la plupart des savanes répondent à ces critères chiffrés. D’après une précédente étude relayée par GEO (mai 2023) et basée sur l’analyse des données de satellites haute résolution permettant d’identifier, justement, les arbres de plus de 5 mètres, un quart de la couverture arborée en Afrique se situe en dehors des forêts, lorsque l’on définit ces dernières de façon plus restrictive que la FAO.
« Les systèmes non forestiers tels que les savanes sont classés à tort comme des forêts et sont donc considérés comme ayant besoin d’être ‘restaurés’ avec des arbres », dénonce Kate Parr, professeure d’écologie tropicale à l’université britannique de Liverpool et co-auteure de l’étude. Et de prôner :
« Il est urgent de revoir les définitions afin que les savanes ne soient pas confondues avec les forêts, car l’augmentation du nombre d’arbres menace l’intégrité et la persistance des savanes et des prairies. » Kate Parr, université de Liverpool (The Guardian)
Compensation carbone
Une étude antérieure de l’université d’Oxford avait déjà conclu au fait que la plantation massive d’arbres pour le climat risque de faire « plus de mal que de bien » (GEO avec AFP, octobre 2023).
Alors que les plantations d’arbres sont devenues un « moyen privilégié pour les entreprises et les particuliers de compenser leurs émissions de gaz à effet de serre« , dans le sud du Mexique et au Ghana par exemple, où une seule essence (deux ou trois maximum) ont été massivement plantées, des forêts autrefois diverses « se sont transformées en masses homogènes ». Ce qui les rend « très vulnérables aux maladies et a un impact négatif sur la biodiversité locale », dénonçaient les auteurs.