Les pangolins figurent parmi les premières victimes du trafic d’animaux en Afrique du Sud comme dans les pays voisins comme la Namibie, le Mozambique ou encore le Zimbabwe.
La température dans la chambre est fraîche, comme dans un terrier. Dans cet hôpital vétérinaire des environs de Johannesburg, les constantes vitales de Lumbi, un pangolin, sont surveillées de près pendant qu’il boit à la seringue un cocktail protéiné et reçoit sa dose quotidienne de médicaments. Comme plusieurs de ses congénères, il est soigné dans cet établissement spécialisé dans la protection des espèces indigènes, après avoir été sauvé des trafiquants au cours d’une opération de police. L’adresse est gardée secrète, pour éviter une éventuelle attaque de braconniers. « C’est comme une unité de soins intensifs pour les pangolins » qui ont échappé au pire mais sont souvent retrouvés en piteux état, explique Nicci Wright, une des vétérinaires. Gardés illégalement en captivité pendant des semaines dans des sacs, voyageant dans des coffres de voitures, ils ne reçoivent souvent ni eau, ni nourriture.
« Ils sont si différents des autres animaux »
Les pangolins figurent parmi les premières victimes du trafic d’animaux en Afrique du Sud mais aussi dans les pays voisins comme la Namibie, le Mozambique ou encore le Zimbabwe. Prisés pour leurs écailles en kératine, la même matière que les ongles humains, ils sont vendus en Asie pour de prétendues propriétés médicinales. Vivant à l’état sauvage seulement en Asie et en Afrique, les pangolins sont aujourd’hui classés parmi les espèces vulnérables ou en danger. Le nombre exact de spécimens dans le monde n’est pas connu.
Ici, ils sont soignés pendant quelques semaines ou plusieurs mois, avant d’être relâchés. Les vétérinaires doivent parfois expérimenter des traitements pour cette espèce présente sur Terre depuis environ 80 millions d’années, mais dont on sait peu de choses sur le plan médical. « Ils sont si différents des autres animaux », explique le Dr Wright, qui travaille avec les pangolins depuis une quinzaine d’années. « La médecine vétérinaire et le processus de réhabilitation n’ont pas été bien documentés et l’on sait très peu de choses sur l’espèce africaine », ajoute-t-elle.
Le plus souvent, les traitements utilisés pour soigner d’autres mammifères comme les chats et les chiens fonctionnent bien. Parfois, il faut prendre des risques : « C’est un pari à chaque fois », reconnaît Kelsey Skinner, en donnant une dose de médicaments à Lumbi. Spécialiste des pangolins, la vétérinaire de 30 ans a découvert que comme les hommes, ces mangeurs d’insectes nocturnes et solitaires ont des « personnalités » différentes. « Certains sont timides et ne veulent pas être touchés. D’autres sont extravertis et jouent beaucoup dans la boue. Ce sont des comédiens », dit-elle. « Chacun est complètement unique ».
Le mois dernier, un compagnon de Lumbi, un autre pangolin baptisé Stevie, a été relâché après un complet rétablissement. Pendant sept mois, Gareth Thomas, un bénévole, l’a promené chaque semaine dans la nature pour le préparer à la liberté. « J’ai été avec lui depuis le premier jour. J’étais là quand il a été tiré de la boîte dans laquelle les braconniers l’avaient enfermé », raconte-t-il lors d’une des dernières promenades de préparation. Stevie a finalement été relâché à six heures de route de là, dans la réserve naturelle de Manyoni. Un nouveau terrain de jeu d’environ 23.000 hectares pour l’animal, dans le sud de la province du KwaZulu-Natal (est).
Sa caisse de transport ouverte et muni d’un dispositif électronique permettant de le tracer, Steve est d’abord sorti prudemment. Reniflant autour de lui, il s’est alors décidé à partir à la recherche de fourmis pour sa pitance de l’après-midi. « Il a maintenant toutes les compétences nécessaires pour survivre dans la nature », s’est réjoui Donald Davies, du Zululand Conservation Trust qui a supervisé la remise en liberté de l’animal. Le processus est crucial pour la survie de l’espèce. « Nous devons être absolument sûrs qu’ils trouvent la bonne nourriture et des terriers. Sinon, ils vont tout simplement mourir », explique Mme Wright.
Source : Sciences et Avenir