Avec le soutien de la Russie, la Chine aurait utilisé son droit de veto lors d’une réunion internationale afin d’empêcher le renouvellement d’un accord limitant la pêche au krill en Antarctique. Ce petit crustacé est pourtant indispensable à la survie des baleines, des manchots et des phoques (The Guardian).
L’avenir de la planète ne se décide pas uniquement pendant les COP (conférences des parties) ! Alors que les caméras du monde entier se tournaient – à juste titre – vers Cali en Colombie pour la COP16 biodiversité, la réunion de la Commission pour la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR) se tenait à Hobart, en Australie, du 14 au 27 octobre. Loin des projecteurs.
Quelques oreilles attentives se sont néanmoins tournées vers la capitale tasmanienne, où 26 États ainsi que l’Union européenne étaient réunis. Et ce qu’elles y ont entendu n’est pas rassurant : « La Chine et la Russie collaborent pour bloquer la création de nouveaux parcs marins dans l’Antarctique et assouplir les restrictions sur la pêche au krill », relate ainsi le Guardian le 1er novembre.
Tony Press, ancien chef de la Division antarctique australienne et professeur adjoint à l’université de Tasmanie, a confié à nos confrères que le principe de précaution – soutenu par les pays membres de la commission pendant trois décennies – avait fait « marche arrière » lors de la dernière réunion. « Cela crée un très mauvais précédent pour l’avenir », s’est-il inquiété.
5 nouveaux navires chinois de pêche au krill
Le krill, un petit crustacé, constitue une source de nourriture primordiale pour des espèces clés de l’écosystème côtier telles que les manchots, les phoques et les baleines, décrit le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) sur son site web.
Un accord limite donc à 620 000 tonnes par an les prises annuelles de krill dans quatre zones voisines de la péninsule antarctique occidentale. La « mesure 51-07 », elle, stipule qu’un maximum de 45 % du total peut être prélevé dans l’une de ces zones – les pays cherchaient à la renouveler lorsque la Chine, avec le soutien de la Russie, a utilisé son droit de veto, témoigne le Dr Lyn Goldsworthy.
« La Chine a une stratégie à long terme. Elle a pour ligne directrice de développer la pêche au krill [en Antarctique] », indique au Guardian la chercheuse à l’Université de Tasmanie et observatrice des réunions de la CCAMLR. Le pays d’Asie se serait engagé à construire cinq nouveaux navires pour capturer le crustacé, dont quatre sont « presque terminés. »
Pompé en continu pour faire de la farine animale (entre autres)
Selon un rapport publié en mai par la commission sur la pêche au krill, jamais les prises n’ont été aussi conséquentes : 415 800 tonnes par an en moyenne entre 2019 et 2023, contre 266 000 t pour les cinq années précédentes. En 2024, 14 navires prévoyaient de cibler cet animal, dont quatre appartenant à la Chine, quatre à la Norvège, trois à la Corée du Sud, un au Chili, un à la Russie et un à l’Ukraine.
La Chine et la Norvège, elles, utilisent une méthode de pêche industrielle qui consiste à pomper en continu le krill des filets vers le navire. Principal débouché : l’industrie agroalimentaire. En aquaculture, il sert en effet à préparer une farine animale donnée notamment aux saumons d’élevage, note le MNHN. Il sert également « d’appât, d’ingrédient » et enfin de « ressource pour l’industrie pharmaceutique. »
Outre la capture excessive, d’autres menaces pèsent également sur le petit crustacé : la banquise, un « habitat essentiel » pour lui, fond de manière accélérée avec la hausse des températures, laquelle accentue par ailleurs l’acidification des océans – un processus qui « empêchera progressivement au krill de produire des larves pouvant donner la vie », pointe le Muséum.
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