Il ne manque plus que 21 kilomètres d’asphalte à l’autoroute bulgare Struma, largement financée par l’Union européenne, pour relier la capitale Sofia à Kulata, à la frontière avec la Grèce. Mais dans les gorges sauvages de Kresna où deux voies doivent remplacer la route actuelle, les 10 000 véhicules qui traversent quotidiennement cette réserve protégée au sud de la Bulgarie ont déjà fait des victimes. Chauves-souris, serpents, vertébrés et autres tortues protégées ont vu leur population baisser de plus de 60 % depuis 2003, selon une étude du Balkani Wildlife Society, membre du collectif d’ONG Save Kresna Gorge.
Dans les gorges, 70 animaux sont renversés chaque jour depuis que les 92 premiers kilomètres, de part et d’autre de la réserve, sont opérationnels. « Beaucoup des animaux que l’on retrouve écrasés sont des espèces protégées », constate, amer, Dimitur Vassilev, qui tient un centre écologique pour enfants à Vlahi, à quatre kilomètres à vol d’oiseau du tracé choisi pour la future autoroute. Sur les 3 500 espèces de ce site classé Natura 2000, 92 sont protégées.
« En Europe, il n’existe aucun endroit comparable »
Mais le pire est à venir, selon de nombreux défenseurs de l’environnement, alors que la vitesse maximum autorisée est aujourd’hui de 60 km/h. « De nombreuses espèces, dont les serpents sur lesquels je travaille, migrent d’un côté à l’autre des gorges, explique Petko Petkov, chercheur en biologie au sein de l’Académie des sciences bulgare, car la montagne est une barrière naturelle ; d’un côté, le climat est continental, il fait très froid en hiver et très chaud en été, tandis que de l’autre côté des gorges, c’est un climat méditerranéen. » L’autoroute ferait office de nouvelle barrière, que les habitants de la forêt devront franchir.
« Elle serait dévastatrice pour les gorges », anticipe Anelia Stefanova, qui dirige le réseau d’ONG environnementalistes Bankwatch Network. « En Europe il n’existe aucun endroit comparable, aussi petit, seize kilomètres sur cinq, avec une biodiversité si riche et autant d’espèces en voie d’extinction, assure Dimitur Vassilev, c’est un endroit unique. » Ce biologiste de formation s’évertue, dans son « école de la nature », à « faire prendre conscience aux habitants des gorges des opportunités de développement durable dans la région ».
Source Le Monde28