Si elle a atteint son objectif d’aires protégées terrestres et marines, l’Union européenne ne parvient pas à freiner la vertigineuse chute de sa biodiversité, selon l’Agence européenne pour l’environnement (AEE). Sur l’ensemble des espèces analysées à ce jour, 60% sont dans un état de conservation défavorable.
Sécheresses, incendies de forêt, inondations, montée du niveau de la mer: l’Union européenne, bien qu’elle ne soit pas la moins vertueuse d’un point de vue climatique, devra aussi en subir les conséquences de plein fouet, comme le révèlent les cartes publiées lundi 10 février par l’agence européenne pour l’environnement.
Issues de son rapport «Etat de l’environnement de l’Europe 2020», ces données climatiques ne sont pas les seules qui suscitent l’inquiétude. Que ce soit sur l’état de la biodiversité, la pollution chimique, la pollution de l’air, l’état des sols, les milieux marins ou les déchets, rares sont les bonnes nouvelles. «Les tendances globales ne se sont pas améliorées» depuis le précédent rapport de l’AEE, en 2015, observe l’agence.
Malgré cela, elle entrevoit quelques raisons d’espérer: «le public est de plus en plus sensibilisé à la nécessité de s’orienter vers un avenir durable, des innovations technologiques voient le jour, des initiatives communautaires de développement et l’action de l’UE se renforce, comme le pacte vert pour l’Europe», lancé par la nouvelle Commission d’Ursula van der Leyen. Reste à savoir si cela suffira face à des «défis environnementaux d’une ampleur et d’une urgence sans précédent».
OISEAUX ET INSECTES S’ÉTEIGNENT
Entre autres pressions anthropiques, l’agriculture intensive constitue l’une des causes principales d’érosion de la biodiversité: «l’usage accru de pesticides entraîne une baisse des populations d’insectes et de la production de graines par les plantes, ce qui réduit l’alimentation des oiseaux. De plus, les insectes jouent un rôle clé dans divers services écosystémiques, notamment la pollinisation, mais aussi dans le cycle des nutriments du sol, ainsi que comme barrière contre les maladies, les ravageurs et les espèces invasives», explique l’agence.
L’AEE évoque ainsi l’étude allemande, publiée en 2017, selon laquelle la biomasse d’insectes y a chuté de 75% depuis 1990 dans les zones protégées. Parmi eux, les papillons, dont les études de surveillance menées dans 15 pays de l’UE révèlent une baisse de 39% de l’abondance depuis 1990.
Conséquence, les oiseaux communs (moineaux, merles, fauvettes, mésanges, etc.), qui en raison de leur abondance ne font l’objet d’aucune protection, ont vu leurs effectifs diminuer de 9% entre 1990 et 2016 sur l’ensemble de l’UE –voire de 11% si la Suisse et la Norvège sont incluses. Plus sévèrement atteints, les espèces vivants dans les champs, dont la baisse s’élève à 32%, confirmant ainsi les résultats d’une étude française publiés en mars 2018.
Les oiseaux et les insectes ne sont bien évidemment pas les seuls affectés: toutes espèces confondues, 60% des 2.665 évaluées à ce jour dans l’UE sont dans un état de conservation défavorable, avec un déclin en cours, tandis que 23% seulement sont dans un état jugé favorable. Parmi les plus affectés, les poissons, les mollusques et les amphibiens.
Certes, et c’est là l’une des rares bonnes nouvelles du rapport, l’UE a d’ores et déjà atteint l’objectif 11 d’Aïchi pour les aires marines protégées (plus de 10% de la surface totale), comme pour les terrestres (plus de 17%). Pour ces dernières, le réseau Natura 2000 couvre ainsi déjà 18% du territoire européen, avec environ 28.000 sites.
DES PROGRÈS TRÈS INSUFFISANTS
Sur d’autres domaines que la biodiversité, l’AEE évoque quelques progrès, mais ceux-ci demeurent timides et en cours de «ralentissement»: réduction des émissions de gaz à effet de serre et des émissions industrielles, production de déchets, amélioration de l’efficacité énergétique et part des énergies renouvelables. «A long terme, le rythme actuel des progrès ne suffira pas pour atteindre les objectifs climatiques et énergétiques fixés pour 2030 et 2050», juge l’agence.
L’AEE appelle à un retournement des priorités, afin de sortir du périlleux ‘tout-économique’ qui prévaut: «l’Europe ne réalisera pas sa vision de durabilité de ‘bien vivre, dans les limites de notre planète’ simplement en promouvant la croissance économique et en essayant d’en gérer les effets secondaires préjudiciables à l’aide des instruments de la politique sociale et environnementale. A l’inverse, la durabilité doit devenir le principe directeur pour une élaboration de politiques et de mesures ambitieuses et cohérentes».