Un projet de loi pour réautoriser les néonicotinoïdes, ces insecticides dits « tueurs d’abeilles », va être examiné au Sénat à partir de lundi. Pourtant les chercheurs de l’Inrae ont développé des techniques pour s’en passer.
Ce pourrait être un retour en arrière pour l’agriculture française. Le Sénat examine à partir de lundi 27 janvier la proposition de loi pour « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ». Le texte propose d’alléger notamment la législation environnementale sur les pesticides en réautorisant certains néonicotinoïdes.
Ces puissants insecticides dits « tueurs d’abeilles » ont été interdits en France en 2018. Ils étaient très utilisés pour la betterave sucrière dans le nord de la France, une région où l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) a justement mis au point des techniques permettant de s’en passer. L’institut a notamment mené des expérimentations sur un site dans la Somme.
En apparence, ce champs situé à Estrée-Mons, à l’est d’Amiens, semble tout à fait classique. Pourtant, « depuis 2012, on peut certifier qu’il n’y a eu aucun produit chimique ici, et on voit qu’on arrive à produire de manière efficace », décrit Sébastien Darras. Ce technicien de recherche participe à un projet de l’Inrae pour réduire les pesticides en s’appuyant sur la biodiversité car, contrairement à des agriculteurs classiques, lui peut prendre ce risque. « On cherche comment proposer des systèmes agricoles qui soient à la fois performants en termes de rendement, de marge économique et de résistance aux bioagresseurs. »
Créer des zones pour héberger des « insectes utiles »
Ces « bioagresseurs » ce sont les champignons, les mauvaises herbes ou les insectes ravageurs. Pour combattre ces derniers, Sébastien Darras conseille aux agriculteurs de créer des corridors qui hébergent des « insectes utiles ». « Autour de nos parcelles, on a laissé ce qu’on appelle des bandes enherbées, des bandes fleuries, explique le chercheur. Elles servent à augmenter la biodiversité, notamment les insectes auxilliaires qui vont prédater par exemple les pucerons, sur les betteraves ou sur les céréales. »
Les pucerons transmettent la jaunisse aux betteraves sucrières. C’est à cause de cette maladie qui décime les cultures que les betteraviers utilisent des néonicotinoïdes. À la suite de l’interdiction de ces puissants insecticides, l’Inrae a trouvé l’alternative. Christian Huyghe a travaillé sur la question quand il était directeur scientifique agriculture à l’Institut : après la récolte, il suffit de supprimer les repousses ou les déchets de betteraves. « Bien avant que les pucerons arrivent, si vous supprimez toutes ces repousses, tous ces réservoirs viraux, les pucerons vont arriver, certes, mais ils seront propres, explique-t-il. Ils ne transmettront donc pas le virus de la jaunisse. On l’a vu en 2023 et 2024. »
Des produits phytosanitaires « très problématiques »
Selon le chercheur, il faut donc rester dans cette dynamique et ne pas revenir sur l’interdiction des nénicotinoïdes. « Il a été démontré que c’est une classe de produits phytosanitaires très problématiques par leur impact, et qui en plus ont de très longs taux de résidence dans le milieu. Autoriser à nouveau les néocinotinoïdes reviendrait à ne jamais considérer la science. C’est le rôle des politiques de faire des arbitrages, mais il ne peuvent pas prendre une décision qui ignore complètement ce que dit la science. »
Les sénateurs à l’origine du texte estiment au contraire qu’il faut réautoriser ces produits, car d’autres pays européens comme l’Allemagne les utilisent encore.
Source : France Info