Dans le contexte de l’accélération de la production d’énergies renouvelables avec notamment 50 parcs éoliens en mer attendus d’ici 2050, le Comité français de l’UICN réaffirme la nécessité d’améliorer la planification écologique de ces projets. Grâce à l’expertise des membres et des experts de son groupe de travail dédié aux énergies marines renouvelables, il propose 7 recommandations stratégiques, présentées dans une publication dévoilée aujourd’hui, pour mieux prendre en compte la conservation de la biodiversité dans les évaluations environnementales des projets éoliens en mer.
« La transition énergétique doit aussi être écologique, en conciliant le développement des énergies renouvelables avec la conservation de la biodiversité »
Maud Lelièvre, Présidente du Comité français de l’UICN.
Pour cela, Il faut davantage tenir compte des zones à enjeux pour la biodiversité dans le choix d’implantation des projets et mieux traiter les impacts unitaires et cumulés des projets sur les espèces et les écosystèmes, à travers une application rigoureuse de la séquence ERC (éviter, réduire, compenser).
Les 7 recommandations proposées se fondent sur l’analyse des documents d’évaluation d’impact et des résultats des concertations publiques de quatre projets : deux parcs éoliens posés (Yeu-Noirmoutier et Saint-Nazaire) et deux parcs pilotes éoliens flottants (Gruissan et Groix-Belle-Ile), afin d’apprécier les spécificités de ces deux technologies.
Elles s’adressent aux décideurs (élus et administrations), aux acteurs privés de la filière des énergies marines renouvelables (porteurs de projets, développeurs, bureaux d’études) et aux organismes et experts de la protection de la biodiversité :
- Financer des programmes structurés d’études et de recherche à l’échelle des façades maritimes ;
- Capitaliser les connaissances existantes et l’accessibilité des données ;
- Poser un cadre méthodologique standardisé pour l’évaluation et le suivi des projets ;
- Améliorer la lisibilité de la séquence éviter, réduire, compenser ;
- Changer de paradigme concernant l’évaluation des impacts cumulés ;
- Renforcer la qualité de l’évaluation environnementale stratégique des documents de planification des activités marines, dont les Documents Stratégiques des Façades maritimes ;
- Améliorer la gouvernance des évaluations d’impact environnemental par l’implication du public et le dialogue entre acteurs.
Cette étude plaide pour une meilleure prise en compte des effets cumulés des activités humaines sur les écosystèmes marins lors de la planification des projets éoliens en mer. En effet, d’une part, les éoliennes en mer ont des impacts sur la biodiversité selon leur type de structure (posée ou flottante), leur raccordement et les pressions qu’elles exercent qui peuvent être de nature physique, chimique et biologique. Elles impactent les habitats marins ainsi que différentes espèces (oiseaux marins et terrestres, mammifères marins, tortues marines, poissons, crustacés et autres faune et flore sous-marines). D’autre part, dans les zones d’implantation des projets d’éolien en mer, les écosystèmes marins subissent déjà de multiples pressions : pollutions, notamment d’origine agricole, pêche industrielle, extraction de granulats… dont les effets se cumulent.
Le Comité français de l’UICN promeut donc une approche intégrée prenant en compte les effets cumulés de toutes les activités humaines et traitant l’évitement, la réduction et la compensation de leur impact global sur les écosystèmes.
Ces recommandations rejoignent les objectifs 2030 du nouveau Cadre mondial de la Biodiversité approuvé par les Etats en décembre 2022, demandant un aménagement du territoire participatif et intégré en matière de biodiversité, préservant les zones importantes pour la biodiversité et l’intégrité écologique des écosystèmes (cible 1) et la réduction au minimum des effets négatifs de l’action climatique sur la biodiversité (cible 8) comme le déploiement des énergies renouvelables.
Le Comité français de l’UICN rappelle également que la résolution 102 adoptée par le Congrès mondial de la nature de l’UICN en 2016 stipule que les activités industrielles et le développement d’infrastructures portant préjudice à l’environnement, comme les grands projets industriels d’énergies marines renouvelables, ne sont pas compatibles avec les aires marines protégées, et en particulier avec les zones de protection forte.
La mise en œuvre de ces recommandations est essentielle pour atteindre le bon état écologique du milieu marin. Le Comité français de l’UICN rappelle que c’est l’objectif visé par la Directive-cadre européenne “stratégie pour le milieu marin” et que cela doit être une priorité du nouveau règlement européen sur la restauration de la nature.
Photo : © Franck Latraube