Huit ans après le premier état des lieux, la mise à jour de la Liste rouge des espèces menacées montre une aggravation de la situation des mammifères dans l’Hexagone : 33 % des espèces terrestres et 32 % des espèces marines apparaissent menacées ou quasi menacées, contre respectivement 23 % et 25 % en 2009. Au total, sur l’ensemble des 125 espèces de France métropolitaine, 17 sont menacées et 24 autres quasi menacées.
Le Vison d’Europe devient l’un des mammifères les plus menacés de France
Avec une population désormais estimée sous la barre des 250 animaux, le Vison d’Europe est passé en moins de dix ans du statut « En danger » à celui d’espèce « En danger critique ». La destruction des zones humides et la concurrence avec le Vison d’Amérique sont les principaux facteurs responsables de ce déclin, et dans une moindre mesure le piégeage accidentel. L’espèce est également victime de collisions routières et d’empoisonnements indirects dus à la lutte chimique contre les rongeurs dont elle se nourrit. En dépit des plans d’actions successifs dont il a fait l’objet et des mesures réglementaires mises en place, ce mustélidé nécessite d’urgence un renforcement des actions pour éviter sa disparition.
Des espèces victimes collatérales de l’intensification des pratiques agricoles
L’intensification des pratiques agricoles et la transformation des paysages entraînent la perte d’habitats essentiels pour de nombreuses espèces, comme le Putois d’Europe ou le Lapin de garenne, qui pâtissent des remembrements conduisant à la destruction du bocage et des haies. L’usage important de pesticides affecte également les espèces insectivores en amenuisant leurs ressources alimentaires : c’est le cas pour des musaraignes comme la Crocidure leucode ou pour des chauves-souris comme la Pipistrelle commune. Ces quatre espèces sont aujourd’hui en régression à l’échelle nationale et classées « Quasi menacées ».
Les grands carnivores toujours menacés
En raison de leurs effectifs réduits, l’Ours, le Loup et le Lynx restent classés menacés, même si la population des deux premiers est en augmentation. Malgré leur protection, ils demeurent la cible de braconnage, du fait des conflits d’usages que leur présence suscite. La situation complexe et fragile de ces trois grands carnivores en France illustre les difficultés qu’il reste à surmonter et plaide pour une action résolue et une concertation plus volontariste coordonnées par les pouvoirs publics. L’objectif doit être d’élaborer une vision partagée et une stratégie de long terme qui font actuellement défaut, en associant tous les acteurs concernés, afin de parvenir à une coexistence durable avec les activités humaines.
Les chauves-souris dorénavant confrontées aux mesures de lutte contre le changement climatique
Jusque-là principalement affectées par l’intensification des pratiques agricoles et par l’exploitation forestière réduisant l’abondance des vieux arbres, les chauves-souris se trouvent désormais confrontées à des menaces additionnelles. Bon nombre d’espèces sont touchées par les opérations de rénovation et d’isolation des bâtiments, qui entraînent la disparition de gîtes qu’elles affectionnent. Dans d’autres cas, le développement du secteur éolien est en cause, touchant particulièrement les espèces migratrices, victimes notamment de collisions avec les pales. Parmi les espèces dont la situation s’est dégradée en moins de dix ans, le Molosse de Cestoni est passé de « Préoccupation mineure » à « Quasi menacé » et la Noctule commune de « Quasi menacée » à « Vulnérable ».
Les mammifères marins sous le coup de multiples pressions
Dans le domaine marin, les mammifères font face à de multiples menaces, incluant la pollution sonore due au trafic maritime et aux sonars militaires, les pollutions chimiques, les captures accidentelles liées à l’utilisation de filets maillants ou de chaluts pélagiques, et la surpêche réduisant leurs ressources alimentaires. C’est le cas du Cachalot, classé en catégorie « Vulnérable ». Plus d’un tiers des espèces de cétacés se trouve toutefois toujours en catégorie « Données insuffisantes », ce qui signifie que les connaissances et les informations disponibles manquent pour permettre d’apprécier leur situation. Parmi les pinnipèdes, le Phoque veau-marin reste dans une situation fragile, victime de captures accidentelles par les engins de pêche, du dérangement lié aux activités humaines, et très sensible aux maladies virales. Il est classé en catégorie « Quasi menacée ».
Des succès qui tracent la voie à suivre
Malgré la dégradation générale de la situation, différents exemples montrent que les efforts de conservation peuvent porter leurs fruits. A cet égard, la Loutre d’Europe et le Bouquetin des Alpes sont de bons exemples de réels progrès obtenus grâce à une action efficace des pouvoirs publics et des associations de protection de la nature. En situation précaire il y a encore quelques décennies, la Loutre a aujourd’hui recolonisé de vastes secteurs dans la plupart des régions. Et après avoir quasiment disparu de l’arc alpin français, le Bouquetin des Alpes a désormais repeuplé plusieurs départements. A l’avenir, grâce au programme de réintroduction engagé depuis 2014 dans les Pyrénées, le Bouquetin ibérique sera peut-être le prochain à sortir des espèces menacées de la Liste rouge.
De manière générale, pour inverser la tendance négative constatée, il apparaît indispensable d’enrayer la dégradation des milieux naturels, de restaurer les zones humides et les bocages, et d’agir pour le maintien de zones d’agriculture extensive. Il est aussi essentiel de veiller à concilier transition énergétique et préservation de la biodiversité, afin de répondre au défi du changement climatique tout en sauvegardant les espèces et leur environnement. Pour les mammifères les plus menacées, des efforts ciblés doivent également être déployés pour développer des plans nationaux d’actions et renforcer ceux qui ont été engagés.
Mené dans le cadre de la Liste rouge des espèces menacées en France, cet état des lieux a été réalisé par le Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN France) et le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN), en partenariat avec la Société française pour l’étude et la protection des mammifères (SFEPM) et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).