FNE : Biodiversité : Les aires protégées méritent mieux que des effets d’annonce

La future Stratégie pour les Aires Protégées 2020-2030 est en cours d’élaboration. Objectif : améliorer et renforcer le réseau français d’aires protégées de façon à mieux protéger la biodiversité, dans les 10 prochaines années. Plusieurs instances ont récemment rendu des avis critiques sur le projet proposé, confortant l’analyse et les demandes de France Nature Environnement. Si l’objectif est partagé, le projet proposé doit être encore largement amélioré pour l’atteindre. Explications et propositions.

Une stratégie essentielle face à l’érosion rapide de la biodiversité

Le Président et le gouvernement ont plusieurs fois annoncé le cap : atteindre une protection de 30% du territoire, en France hexagonale et dans les territoires ultramarins, avec 10% en protection forte, encadrée par des outils réglementaires. Il y a en effet urgence : les rapports et bilans sur l’aggravation de l’érosion de la biodiversité s’accumulent1 ; la communauté scientifique mondiale et l’ONU appellent à des politiques de conservation de la biodiversité plus ambitieuses et concrètes. Le gouvernement proclame que la France va relever ces enjeux mais malheureusement, en l’état, la stratégie projetée et son plan d’actions ne permettront pas d’atteindre les ambitions affichées. Le Comité National de la Biodiversitévient de rendre un avis critique sur le projet de stratégie présenté par le gouvernement. Auparavant, le Conseil National de la Protection de la Nature avait préféré voter une contribution au projet pour l’améliorer, afin qu’il réponde pleinement aux urgences en matière de biodiversité.

Le projet de stratégie nationale pour les aires protégées 2020-2030 vise, dans les domaines terrestre et marin, à renforcer le réseau actuel d’aires protégées et à en créer de nouvelles, ainsi qu’à améliorer la gestion des aires existantes, tant en France métropolitaine que dans les territoires ultramarins.

Pour France Nature Environnement, construire un cadre stratégique pour les aires protégées est important et judicieux. En effet, les aires protégées, qu’elles soient marines ou terrestres, et en particulier les aires en protection « forte », sont des outils fondamentaux pour préserver la biodiversité selon tous les retours d’expérience internationaux. Les associations ont d’ailleurs souvent été à l’origine de leur création et participent à leur gestion. Toutefois, l’objectif de protéger fortement 10% de notre territoire peut laisser dubitatif puisque l’État n’a pas réussi à atteindre son objectif de 2% à terre au cours des 10 dernières années du fait de blocages qu’il n’a pas su lever et, qu’en mer, la protection est extrêmement faible. Et à ce stade de l’élaboration de la Stratégie, la définition de la protection « forte » qui devrait à terme concerner 10 % du territoire n’est toujours pas définie par l’Etat.

Pour des objectifs qualitatifs plutôt qu’une approche quantitative

Renforcer le réseau actuel d’aires protégées, en créer de nouvelles et améliorer la gestion des aires existantes, dans les domaines terrestre et marin représentent des objectifs partagés. Mais le projet de stratégie dans son état actuel développe une logique quantitative en termes de surfaces protégées, sans prioriser les habitats ou écosystèmes qui nécessitent le plus un classement de protection. Pourtant l’observation scientifique montre que l’efficacité d’un réseau d’aires protégées réside dans un choix qualitatif des espaces concernés, en fonction d’objectifs de conservation d’habitats ou d’espèces particulièrement menacés, et dans le maintien des continuités écologiques entre ces espaces. Ces objectifs prioritaires seraient de plus à établir pour l’ensemble des écorégions, bassins océaniques, habitats terrestres et marins de métropole et d’Outre-Mer au lieu de privilégier des objectifs quantitatifs concernant des secteurs où les pressions des activités humaines sont moins fortes : attention aux effets d’affichage qui ne répondraient pas à ces priorités !

Une ambition affichée… mais des moyens déconnectés des annonces présidentielles

Le projet de stratégie aires protégées 2020-2030 en l’état ne contient pas d’engagements sur la question des moyens humains et financiers à dédier à la stratégie, ni la perspective de ressources nouvelles et pérennes pour les aires protégées : sans engagement réel de l’Etat sur ces points, ce déficit de moyens entraînerait une impossibilité pratique à atteindre les objectifs de la stratégie.

Pour Jean-David Abel, vice-président de France Nature Environnement : « il est impossible de définir une stratégie sans y adosser les ressources adéquates : c’est la clé de voûte qui seule permettra de rendre la stratégie opérationnelle. L’accompagnement des territoires, l’association des parties prenantes, l’élaboration et le suivi de plan de gestion efficaces, la collecte de données et les contrôles sur le terrain ne peuvent être assurées dans les conditions de ressources actuelles, déjà insuffisantes pour le réseau existant ».

Arnaud Schwartz, président de France Nature Environnement, conclut : « nous demandons au gouvernement de prendre des décisions à hauteur de ses discours, afin de doter la future Stratégie pour les Aires Protégées d’objectifs priorisés selon des critères scientifiques et de moyens adéquats et pérennes pour atteindre ces objectifs. La plupart des améliorations indispensables ont été listées par les instances consultatives compétentes. Avec les responsabilités spécifiques de la France du fait de l’étendue et de la richesse de ses outre-mer, il n’y aurait pas de sens à lancer une nouvelle stratégie inopérante, à l’orée de l’année 2021 qui verra la communauté internationale réaffirmer la nécessité d’objectifs plus rigoureux de préservation de la biodiversité ! ».

1 Rapport des Nations Unies, Rapport du WWF

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: parc national des Pyrénées