Si les COP Biodiversité ont permis de mettre la biodiversité dans le champ politique, elles n’ont pas permis de prendre les mesures nécessaires à l’arrêt de la crise qui touche le vivant. Face à cette crise existentielle, France Nature Environnement appelle à des mesures structurelles fortes et à repenser un cadre d’action plus clair, plus engageant, plus précis dans les priorités et plus ambitieux dans la définition des moyens nécessaires.
Retour sur 30 ans de COP
Alors que s’ouvre la 15e Convention pour la diversité biologique à Montréal, et avant d’en examiner les enjeux, il peut être utile de regarder un peu en arrière. Cette Convention, initiée au sommet de Rio en 1992, a produit dans les premiers temps des décisions importantes, et a surtout permis d’installer la biodiversité dans la sphère de l’action publique alors qu’elle était largement ignorée auparavant. Mais au fil des décennies, ses impacts et les décisions prises dans plusieurs sommets n’ont pas produit de résultat probants, ni au niveau international, ni dans les politiques nationales.
On peut même dire que plus la science était précise, détaillée, rigoureuse dans la documentation de l’effondrement de la biodiversité, et plus les Etats regardaient ailleurs, se contentant de sommet en sommet d’afficher des ambitions d’autant plus fortes que non suivies d’effets. En cause, principalement : la conviction que les politiques de biodiversité sont des politiques secondaires, voire marginales, et que l’économie est le moteur de la vie de l’humanité. Les milieux, les ressources, la diversité biologiques ont continué à cette aune-là à n’être que des éléments de la course au profit, et non considérés pour ce qu’ils sont : la base même de la possibilité de la vie, des échanges, de l’économie. Ce sont ces fondements qu’il est nécessaire de changer, si on ne veut voir se poursuivre la succession de rapports scientifiques constatant les dégâts : tant que les enjeux de préservation de la biodiversité ne seront pas intégrés au cœur même de l’économie, des politiques d’habitat, de transport, d’agriculture, ils continueront à être minorés, l’habitabilité de la Terre sera mise en cause et les conditions de vie continueront à se dégrader. Il n’est donc pas trop tard !
Agir enfin face à un phénomène global
Les sociétés humaines sont responsables et victimes de cette situation. Les études scientifiques les plus robustes comme les constats empiriques individuels montrent année après année que la biodiversité va mal, et que les risques climatiques augmentent. Mais ces sociétés sont également porteuses de solutions, dès lors qu’elles engagent les changements transformateurs qui s’imposent.
Le cadre stratégique mondial qui sera discuté à Montréal donne l’opportunité d’inscrire ces transformations dans les ambitions politiques de 196 Etats partie à la Convention et d’animer la mobilisation collective. Il est besoin pour cela, de dépasser les grandes incantations des COP précédents pour oser fixer un cap clair, adapté et applicable au travers d’objectifs chiffrés dont les parties seront redevables.
Embarquer collectivement par un accord ambitieux
« Nous demandons des objectifs forts aussi bien en matière de protection et de restauration de la biodiversité, que de réduction des pressions dues aux diverses formes d’exploitation des ressources naturelles », explique Jean-David Abel, pilote du réseau biodiversité de FNE. « Notre mouvement appelle également à la mobilisation collective et l’augmentation des flux financiers en faveur de la biodiversité, notamment des pays du Sud, ainsi que la réorientation ou la suppression des soutiens publics néfastes pour la biodiversité. »
Seule une feuille de route précise avec les moyens de ses ambitions est à même d’engager la responsabilité collective et d’embarquer les différents acteurs, des populations locales aux entreprises en passant par les filières professionnelles et les ONG, sur le chemin de la préservation et de l’utilisation durable de la biodiversité et du partage équitable des bénéfices tirés de cette utilisation.
Que faire après Montréal ?
Si, comme on est en droit de l’attendre, cette convention des Parties produit un cadre d’action plus clair, plus engageant, plus précis dans les priorités et plus ambitieux dans la définition des moyens nécessaires, alors il appartiendra à tous, citoyens, collectivités, acteurs économiques et associations d’agir pour que les gouvernements ne se dérobent pas aux engagements communs, et mettent en œuvre la feuille de route adéquate pour l’atteinte des résultats.
Si comme on peut le craindre cela n’est pas le cas, alors les gouvernements continueront à favoriser une économie axée sur le court terme, qui continuera à dégrader les milieux, à polluer les rivières et les sols, à fragiliser les forêts et à épuiser les espèces, en même temps qu’elle s’efforcera avec de faibles moyens de réparer ces dégâts, dans une attitude schizophrène et myope. Il appartiendra alors à tous de ne compter que sur eux-mêmes, sur les scientifiques, sur les associations et tous les partenaires qu’elles peuvent mobiliser dans les collectivités et le monde économique pour enrayer l’érosion de la biodiversité, empêcher que des caps irréversibles soient franchis, proposer des solutions et alternatives concrètes pour un avenir vivable, dans lequel tout le monde aura compris que les enjeux du climat et de la biodiversité sont intimement liées et doivent être résolus ensemble.
A l’ouverture du sommet de Montréal, Arnaud Schwartz, président de France Nature Environnement appelle donc les Etats à assumer leurs responsabilités politiques :« L’enjeu crucial d’effondrement de la biodiversité commande aux Etats de laisser de côtés les discussions sémantiques et les postures idéologiques pour construire un cadre d’action global et partagé qui sera décliné dans chaque pays, en fonction de ses spécificités écologiques et sociales. »