Soyons clairs, pour les mers et océans, le bilan du quinquennat qui s’achève est extrêmement décevant : l’exploitation économique ayant largement dominé la politique du ministère de la Mer, très loin devant les enjeux climatiques et de biodiversité marine, dans un milieu pourtant très fragile et en grande détresse. La tenue du One Ocean Summit du 9 au 11 février à Brest représente la dernière chance pour sauver le bilan de ce mandat politique. A condition que les bons sujets – Aires marines protégées, statut de la haute mer, protection des cétacés, préservation des fonds marins et traitement de la menace des déchets militaires notamment – soient enfin abordés et traités dans le bon sens. Ce sont nos demandes essentielles pour ce sommet.
Pour des aires marines vraiment protégées
L’annonce en mai 2019 du Président de la République de la création de 30% d’aires protégées terrestres et marines (dont 10% sous protection forte d’ici 2022) d’ici 2030 allait dans le bon sens. Hélas, les moyens ne suivent pas et le niveau de protection forte est inférieur aux critères de protection européens. Alors que la France n’a pas atteint le niveau de Bon Etat Ecologique en 2020 pour ses mers et océans, les aires marines protégées doivent être centrales dans la politique de la mer française pour devenir autre chose qu’une protection de papier.
La haute mer doit devenir une zone de droit
La haute mer, qui représente près de la moitié de la surface de la planète, est essentielle pour toute vie sur terre, mais se voit menacée du fait d’une absence de gouvernance et de protections vitales à sa survie. Avec de nombreuses ONG internationales, nous demandons qu’un traité ambitieux soit conclu pour protéger la vie marine dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale dans le cadre des Nations Unies en 2022.
La France reste championne d’Europe du massacre des dauphins communs : on ne veut plus de cette médaille
Ils sont des milliers à s’échouer chaque année sur nos plages. Ils sont dix fois plus nombreux à couler au fond du golfe de Gascogne, victimes collatérale de techniques de pêche pendant leur migration. Malgré deux recommandations fortes qui lui ont été notifiées par la Commission européenne en 2020 et 2021 de réduire drastiquement ces mortalités, après une plainte auprès de la Commission par 26 ONG dont France Nature Environnement, le gouvernement refuse de prendre les mesures de fermetures de pêche limitées dans le temps et l’espace pour préserver cette espèce protégée. Avec ses partenaires de Seas at Risks, France Nature Environnement tentera de remettre à la ministre française de la Mer une pétition signée par un demi-million de citoyens et citoyennes européens implorant la France de respecter ses obligations européennes.
Protéger, pas exploiter, les fonds marins
C’est une source d’inquiétude très profonde. Le Président de la République a prévu 310 millions d’euros de financement pour l’exploration des ressources minérales des grands fonds marins dans le cadre du plan France 2030, alors que le représentant de la France au conseil de l’Autorité Internationale des fonds marins y a plaidé l’accélération de la procédure d’exploitation d’ici 2023. La France a par ailleurs refusé de valider la motion UICN au Congrès Mondial de la Nature à Marseille en septembre 2021, demandant un moratoire sur l’exploitation des grands fonds marins. Tout est donc fait pour ouvrir des mines de grands fonds sans cadre réglementaire strict. Cette activité non durable aura nécessairement des répercussions graves sur les écosystèmes associés et les communautés océaniques réduisant la capacité de l’océan à jouer son rôle de régulateur du climat. Les fonds marins doivent être sanctuarisés, pas exploités ni détruits.
Solder l’héritage de la guerre
Les munitions toxiques immergées de la France sont toujours classées « secret défense » depuis 1918, ainsi que des milliers de fûts de déchets nucléaires eux aussi immergés, deux véritables sujets tabous. A l’instar de la Belgique et de l’Allemagne, la France doit enfin prendre la décision de déclassifier la cartographie et les informations sur les quantités colossales des zones de dépôts, de centaines de milliers de tonnes de ces déchets toxiques, condition sine qua non pour pouvoir traiter cette menace. Cette « bombe à retardement toxique » pour les communautés littorales, les acteurs de la pêche, et la biodiversité sera une catastrophe écologique, sociale, économique et sanitaire si nous n’agissons pas très rapidement pour les récupérer et les traiter à terre.
Pour Arnaud Schwartz, président de France Nature Environnement, « Voici quelques actions fortes, et pour certaines, comme la protection des cétacés ou la levée du secret défense sur les munitions immergées, très simples à mettre en œuvre, que la France pourrait porter si elle décidait d’être exemplaire au sein de l’Europe et au niveau mondial. C’est la dernière chance de bleuir fortement le bilan environnemental de ce mandat. Ce sont surtout des actions indispensables pour préserver à long terme cet écosystème essentiel pour lequel la France, avec le deuxième domaine maritime au monde, possède une responsabilité toute particulière. »