Nommé directeur général de l’Office national des forêts (ONF) en juillet 2015, Christian Dubreuil a quitté ses fonctions, jeudi 17 janvier, à la surprise générale. Alors que le climat social y est toujours sombre, l’avenir de l’ONF, en grave situation financière, paraît bien incertain.
La nouvelle est tombée jeudi 17 janvier au matin, par un décret paru au Journal officiel: «il est mis fin, sur sa demande, aux fonctions de directeur général de l’Office national des forêts exercées par M. Christian Dubreuil». Selon une porte-parole de l’ONF, le directeur, âgé de 62 ans, aurait fait valoir ses droits à la retraite, rapporte l’Agence France-Presse (AFP).
Interrogé par le JDLE, Philippe Canal, secrétaire général du syndicat Snupfen-Solidaires[i] et porte-parole de l’intersyndicale ONF, y voit au contraire «un départ prématuré, d’autant que [Christian Dubreuil] avait indiqué vouloir rester jusqu’en 2020». Selon le syndicaliste, ce départ s’inscrit plutôt dans le lourd climat social qui règne depuis plusieurs années à l’ONF. Et l’arrivée d’un nouveau ministre de tutelle, celui de l’agriculture (Didier Guillaume, depuis octobre 2018), n’y serait pas non plus étrangère.
UNE SITUATION FINANCIÈRE NOIRE
A l’origine de ces lourdes tensions -culminant en plaintes pour diffamation lancées par le directeur contre les syndicats, qui eux-mêmes dénoncent «un climat de terreur»-, la situation financière de l’ONF: fin 2017, celui-ci connaissait un endettement de 320 millions d’euros!
Depuis 15 ans, l’office a perdu un quart de ses effectifs, le portant actuellement à 8.500 agents, selon Philippe Canal -9.500 selon le site internet de l’agence. Et 1.500 autres pourraient partir dans les cinq prochaines années, indique le syndicaliste.
UNE COURSE PERDUE À LA RENTABILITÉ
Face à la pression, «les missions traditionnelles de l’ONF sont abandonnées», regrette Philippe Canal. Fin octobre, les agents de l’ONF ont manifesté par centaines dans la forêt de Tronçais (Allier) pour manifester leur rejet d’une «industrialisation croissante» des forêts publiques françaises –celles dont l’ONF a la charge. En cause, de nombreuses coupes d’arbres, dont le bois est le plus souvent vendu à l’étranger, en particulier en Chine.
Outre un commerce forcené du bois, les agents dénoncent un recours accru de l’ONF à des activités commerciales, par exemple à la maîtrise de la végétation sur les voies ferrées. «Une forme de privatisation progressive de l’ONF», dans lequel celui-ci est mis en concurrence avec des entreprises privées, juge Philippe Canal.
VERS UNE PRIVATISATION?
Fin novembre 2018, une mission interministérielle, regroupant le ministère de l’économie, celui de la fonction publique et les deux ministères de tutelle (agriculture, transition écologique), a été lancée afin de revoir le modèle économique de l’ONF. Un «point de dénouement», craint Philippe Canal: pour l’ONF, actuellement établissement public à caractère industriel et commercial (Epic), «l’option d’un statut société anonyme (SA) est clairement posée par Bercy».
Selon l’AFP, c’est Jean-Marie Aurand, directeur de l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV) jusqu’en novembre 2018, qui devrait assurer l’intérim, en attendant la nomination d’un nouveau directeur général.
Le Journal de l’Environnement