Le navigateur François Gabart et le spationaute Thomas Pasquet ont tous deux une expérience et une vision uniques de l’état de la planète. Dans un entretien au « Monde », ils s’alarment de sa dégradation, mais estiment que l’humanité a la capacité d’agir.
Ils sont de la même génération. L’un, François Gabart, 36 ans, né à Saint-Michel-d’Entraygues (Charente), navigue au large et détient, depuis 2017, le record du tour du monde à la voile (42 jours 16 h 40 min 35 s). L’autre, Thomas Pesquet, 41 ans, spationaute, né près de Rouen, a habité la station spatiale internationale durant sept mois de novembre 2016 à juin 2017. Depuis leur premier contact en août 2015, ils ont conversé à plusieurs reprises, et à distance, l’un sur son bateau et l’autre dans son centre d’entraînement aux Etats-Unis.
Au printemps 2016, ils se rencontraient en Bretagne, mais si François Gabart voulait faire naviguer Thomas Pesquet, le mauvais temps les a cloués à terre. Pour Le Monde, les deux hommes font le constat de la dégradation de la planète et appellent à changer radicalement nos modes de vie pour la préserver.
Vu d’en haut et depuis l’océan, quel constat faites-vous de l’état de la planète ?
Thomas Pesquet : Depuis l’espace, on voit les signes néfastes de l’activité humaine, à l’œil nu ou au téléobjectif : les coupes dans la forêt amazonienne, les pollutions sur les embouchures de rivière, la pollution atmosphérique car on ne distingue plus certaines villes, ou encore la fonte des glaces, que l’on constate mission après mission. Et, avec les satellites qui mesurent la montée des eaux, leur température, l’épaisseur de la glace, les gaz à effet de serre, on peut conclure scientifiquement que c’est un fait : le changement climatique existe et il s’accélère.
Le voyage spatial m’a permis de prendre du recul. Notre cerveau n’est pas équipé pour raisonner avec les grands nombres, les grandes échelles temporelles et géographiques. Le phénomène du réchauffement climatique se passe à une échelle qui nous dépasse. Aller dans l’espace permet de voir la finitude de la planète, son côté fragile. C’est le début de mon histoire écologique….
Voir Le Monde du 6 juillet
photo : François Gabart (à gauche) et Thomas Pesquet (à droite), le 21 juin. ANNIE SORLIN / ESA