Une équipe de chercheurs de l’Université nationale australienne a étudié dix-neuf populations d’oiseaux et de mammifères sauvages, afin d’estimer en combien de temps la sélection naturelle provoquait chez elles des changements génétiques. Or d’après l’analyse de ces données génétiques massives, le phénomène serait deux à quatre fois plus rapide que prévu.
La nature est bien faite : quand une espèce se retrouve face à de nouvelles conditions environnementales, les individus possédant des caractéristiques plus favorables produisent davantage de descendants, et leurs gènes se répandent au sein de l’espèce. Ce phénomène, ici vulgarisé, est appelé l’évolution adaptative. C’est aussi ce qui se cache derrière l’expression de « sélection naturelle ». Charles Darwin (1809-1882), dont les travaux ont révolutionné la biologie, pensait que ces manifestations ne pouvaient s’observer que sur des échelles de temps géologiques longs. Des chercheurs semblent aujourd’hui prouver le contraire.
Dans un article de The Conversation publié le 6 octobre 2022, le chercheur en biologie évolutive de l’Université nationale australienne, Timothée Bonnet, révèle que les traits des populations d’animaux sauvages pourraient changer relativement vite : des espèces évolueraient deux à quatre fois plus vite que les travaux antérieurs ne le suggéraient, indique-t-il, citant une étude publiée dans la revue Science en mai 2022. Mais ces changements génétiques sont-ils suffisamment rapides pour influencer la réponse de ces populations animales, aujourd’hui plus que jamais confrontése aux changements de leur habitat liés, en autres, au réchauffement climatique ?
250.000 animaux observés pour étudier la vitesse de l’évolution adaptative
Afin de parvenir à ces conclusions, les scientifiques ont utilisé le « théorème fondamental de la sélection naturelle », développé par le biologiste Ronald Aylmer Fisher (1890-1962) : le taux d’évolution adaptative d’une population animale serait égal à « la variance génétique dans l’aptitude à survivre et à se reproduire entre les individus d’une population », explique Timothée Bonnet. Une différence souvent difficile à calculer, en raison du manque de données autour de certaines espèces. Pour les besoins de l’étude, dix-neuf populations d’oiseaux et de mammifères sauvages ont ainsi été observées pendant plusieurs décennies.
Mésanges bleues en Corse, mouflons au Canada, hyènes en Tanzanie, babouins au Kenya, campagnols des Alpes suisses… Vingt-sept instituts de recherche ont été chargés de recueillir les informations sur la naissance, l’accouplement, la reproduction et la mort de chaque individu de ces différentes populations, soit environ 250.000 animaux sur toute la durée des recherches. Les chercheurs ont ainsi découvert que la plupart des individus meurent avant de se reproduire. Seuls quelques adultes donnent ainsi naissance à un très grand nombre de descendants, ce qui conduit à une distribution asymétrique des gènes dans une population.
Les modèles de génétique quantitative leur ont permis de constater qu’en moyenne et à chaque génération, les changements génétiques permettaient une augmentation de 18,5 % de la capacité survie et de reproduction des progénitures. Une vitesse élevée qui, selon les experts, permet d’expliquer des changements récents dans les caractéristiques des animaux sauvages. Timothée Bonnet cite par exemple la phalène du bouleau (Biston betularia) qui, face à la pollution de l’air qui noircit désormais l’écorce des arbres, est passée du blanc au noir en quelques décennies, meilleur camouflage face aux prédateurs.
Une adaptation suffisamment rapide face aux modifications de leur environnement ?
« À une époque où les environnements naturels changent radicalement partout dans le monde, en raison du changement climatique et d’autres forces, l’évolution aidera-t-elle les animaux à s’adapter ? »
, pose alors comme question le chercheur en biologie. Ces récentes recherches ne permettent d’y répondre, car en plus des changements génétiques dus à la sélection naturelle, d’autres facteurs sont en jeu. La détérioration des habitats pourrait être responsable d’une chute démographique des populations animales, que l’évolution adaptative ne serait capable de compenser. Par ailleurs, face à des ressources de plus en plus limitées (nourriture, territoire, partenaires), celle-ci ne pourrait qu’entraîner une plus grande compétition entre les individus d’un groupe.
Source GEO