Cette proposition de la Convention collective du climat consiste à porter l’écologie au sommet de la loi avec une obligation de résultats pour mettre fin aux régressions en matière de protection de l’environnement. Il y a urgence.
La sixième extinction massive de la biodiversité est une réalité scientifique incontestable. Mais en plus des espèces charismatiques menacées comme le tigre, les rhinocéros, ou les primates, c’est aussi la biodiversité de nos forêts, jardins, milieux humides et prairies qui s’effondre. En quinze ans, un oiseau sur trois a disparu des campagnes françaises. Les populations des insectes volants ont diminué de 80 % en 30 ans en Europe. Or ces espèces des milieux naturels «ordinaires» sont celles qui permettent le bon fonctionnement de la nature, en fournissant de nombreux services irremplaçables : eau potable, pollinisation des cultures, fertilité des sols, matières premières…
Nous ne sauverons pas le climat sans sauver la biodiversité. Les écosystèmes naturels jouent un rôle essentiel pour atténuer les changements climatiques. En plus du rôle de stockage de carbone des forêts et océans, la biodiversité limite l’impact des catastrophes naturelles et autres conséquences des changements globaux, à condition que les écosystèmes soient fonctionnels. La biodiversité est le premier facteur de résilience et notre meilleure alliée pour lutter contre les changements climatiques.
Une mobilisation encore insuffisante
Les enjeux écologiques infusent progressivement la société, mais la mobilisation pour la biodiversité est encore insuffisante. Il faut maintenant ancrer la nécessité de sa sauvegarde et de sa restauration dans nos pratiques, nos modes de vie et notre modèle de société en devenir. Pour cela, inscrire la biodiversité dans la Constitution française, texte fondateur de notre Etat de droit, qui encadre nos lois, en est le meilleur garant.
En 2019, l’IPBES1 appelait à un «changement fondamental à l’échelle d’un système, qui prend en considération les facteurs technologiques, économiques et sociaux» nécessaires pour sauvegarder la biodiversité. La révision de l’article 1er de la Constitution va dans ce sens. Pour cela, il est essentiel d’y inscrire aussi la fin des régressions de la protection de la nature, ainsi que l’obligation d’obtenir des résultats concrets, points clés aujourd’hui absents du texte proposé.
La proposition que nous soutenons, initiée par la Convention citoyenne pour le climat et le collectif Notre Constitution écologique, est donc la suivante : «La République garantit la préservation de la diversité biologique, de l’environnement et la lutte contre le dérèglement climatique, son action ne pouvant faire l’objet que d’une amélioration constante.»
Cette révision constitue un outil essentiel pour prévenir de nouvelles lois destructrices pour la nature, et donner raison devant la justice à ses défenseurs plutôt qu’à ceux qui l’exploitent.
«La République garantit…» induit une obligation de résultats, qui manque jusqu’à présent en matière de protection de la biodiversité. Aujourd’hui, le droit de l’environnement peine à être appliqué, faute de moyens suffisants accordés aux administrations qui en ont la charge. Cette obligation de résultat pourrait ainsi conduire à un droit mieux appliqué, avec des objectifs clairement définis et des résultats mieux évalués.
«… son action ne pouvant faire l’objet que d’une amélioration constante.» Réapparition d’un projet d’exploitation minière en Guyane au mépris de ses impacts environnementaux, ré-autorisation d’utiliser des insecticides dans les cultures betteravières, assouplissement des études d’impact environnemental des travaux d’aménagement… Nous connaissons actuellement des régressions ponctuelles, mais nombreuses. Acter leur fin est la seule base viable pour engager une véritable politique de sauvegarde de la nature.
Avancer plus vite
Vu la crise climatique et écologique actuelle, cette inscription doit se faire en 2021. Nous ne pouvons plus nous permettre d’attendre.
Faire de la biodiversité un principe fondamental de la République française en l’inscrivant dans la Constitution nous permettra d’avancer plus vite. Cela doit conduire à un changement d’orientation de nos pratiques et de nos politiques. Ce changement est d’abord celui de nos modes de vie, de consommation et de production, qui exercent des pressions non durables sur la nature.
C’est aussi le moment de mettre en place et d’accentuer les politiques structurelles transversales à travers tous les domaines d’action de l’Etat, pour coordonner et mettre en œuvre un vaste chantier de restauration des milieux naturels dits «ordinaires», à la hauteur des enjeux auxquels nous sommes confrontés.
Ainsi faisons de la France un leader de la sauvegarde de la biodiversité.
C’est donc l’Etat, les collectivités territoriales, mais aussi les entreprises, et l’ensemble de la société civile qu’il s’agit de mobiliser. La nature ne peut pas crier sa détresse, mais nous pouvons le faire pour elle. Et nous ne pouvons le faire sans un collectif fort. Représentants de la société civile, de la culture et de l’éducation, élus locaux, journalistes, scientifiques, entreprises, citoyens ; la crise écologique à laquelle nous faisons face nous concerne tous : rejoignez notre appel ! Tous ensemble, devenons les avocats de la biodiversité pour exiger sa sauvegarde. Demandons son inscription dans notre Constitution !
(1) Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques – équivalent au Giec pour la biodiversité.
Premiers signataires : Arnaud Greth, président de l’association Noé, Laurent Baheux, photographe, Guy Benarroche, sénateur des Bouches-du-Rhône, Esther Benbassa, sénatrice de Paris et secrétaire du Sénat, Joël Bigot, sénateur de Maine-et-Loire, Dominique Bourg, philosophe, Valérie Cabanes, juriste en droit international, Ronan Dantec, sénateur de la Loire-Atlantique, Camille Etienne, activiste pour le climat et la biodiversité, Jacques Fernique, sénateur du Bas-Rhin, Guillaume Gontard, sénateur de l’Isère, Joël Labbé, sénateur du Morbihan, Maxence Lapérouse, artiste et vidéaste, Maud Lelièvre,présidente du Comité français de l’UICN, Baptiste Lorber, comédien, Sébastien Mabile, avocat au Barreau de Paris, Monique de Marco, sénatrice de la Gironde, Nagui, animateur Tv & Radio, Anne-Sophie Novel, journaliste, Paulu Santu Parigi, sénateur de la Haute-Corse, Bernard Poirette, journaliste,Raymonde Poncet, sénatrice du Rhône, Angèle Préville, sénatrice du Lot, Frah et Samaha Sam, groupe Shaka Ponk, La Fondation Tara Océan, Zazie, chanteuse. La liste complète des signataires : https://urgence-biodiversite.org /
Source : LIBERATION.FR