L’Union internationale pour la conservation de la nature recense 30 000 espèces menacées.
C’ est une lueur d’espoir dans la crise de la biodiversité. Cette année, les efforts de conservation ont permis d’amé liorer le statut de plusieurs espè ces, selon la mise à jour de la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Ce rapport, créé en 1964, constitue l’inventaire mondial le plus complet de l’état de conserva tion des espèces végétales et ani males. Il répertorie ainsi quelque 112 432 espèces, parmi lesquelles 30 178 seraient menacées. Son actualisation a été présentée, mardi 10 décembre, à l’occasion de la con férence climat, la COP25, organisée jusqu’au 13 décembre à Madrid. L’inventaire de l’UICN observe que 73 espèces ont vu leur situation se dégrader, mais il comporte aussi une bonne nouvelle : dix espèces animales, dont huit variétés d’oiseaux et deux de poissons, sont en voie d’amélioration. Ainsi, le râle de Guam, endémique d’Océanie, est désormais le deuxième oiseau de l’histoire à se rétablir, après avoir été déclaré « éteint à l’état sauvage ». Autrefois commun sur l’île de Guam, dans le Pacifique, cet oiseau a vu sa population décliner après l’introduction accidentelle d’un serpent, à la fin de la se conde guerre mondiale. En 1987, le dernier râle de Guam sauvage a été tué par ce prédateur envahis sant. Grâce à un programme d’élevage en captivité de trente cinq ans, le râle de Guam est aujourd’hui établi sur l’île voisine des Cocos. L’oiseau est cependant toujours classé « en danger critique », à une étape seulement de l’extinction.
Gestion raisonnée
La perruche de l’île Maurice pour suit également son processus de rétablissement, grâce à des efforts de conservation, dont un programme d’élevage en captivité. L’espèce a été reclassée comme « vulnérable », après être passée d’espèce « en danger critique » à espèce « en danger » en 2007. Enfin, deux espèces de poissons d’eau douce australiens, le Maccullo chella macquariensis (trout cod, en anglais, de l’ordre des perciformes) et le Galaxias pedderensis (pedder galaxias, en anglais), ont vu leur statut s’améliorer grâce à des programmes de réintroduction. Les deux espèces restent cependant menacées par la destruction et la dégradation de leur habitat.
L’élevage en captivité, combiné à une gestion raisonnée des populations sauvages, a été la clé de ces réussites en matière de conservation, selon l’ONG. « Cette mise à jour démontre que la conservation fonctionne et offre de l’espoir, sou tient Grethel Aguilar, directrice générale par intérim de l’UICN (à la suite de la nomination d’Inger Andersen à la tête du Programme des Nations unies pour l’environnement). Lorsque les gouvernements, les organisations de conservation et les communautés locales travaillent ensemble, nous pouvons inverser la tendance (…). Le succès de ces dix améliorations prouve que la nature peut se rétablir si on lui en laisse la chance. »
Malgré ces bonnes surprises, la biodiversité continue de se dégrader comme jamais. Selon le rapport de l’UICN, le changement cli matique contribue aussi de ma nière accélérée au déclin de nombreuses espèces en modifiant leur habitat et en augmentant la force et la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes. L’intensité accrue des ouragans dans les Caraïbes ces dernières années, par exemple, a entraîné une mortalité élevée chez les oiseaux.
Ainsi, après l’ouragan Maria en 2017, la population de l’amazone impériale, un oiseau de l’île de la Dominique, s’est réduite à 50 individus à l’état sauvage. La liste rouge révèle également que 37 % des espèces de poissons d’eau douce d’Australie sont menacées d’extinction, dont au moins 58 % directement à cause du change ment climatique. Grande nacre, pseudoscorpion géant, champignon pagode… Au total, 1 840 espèces ont été ajoutées à la liste des es pèces menacées cette année. »
Selon les experts de l’UICN, l’inventaire actualisé met une nou velle fois en exergue l’urgence de la situation. « Le changement cli matique ajoute aux multiples me naces auxquelles les espèces sont confrontées, explique Grethel Aguilar. Il est donc urgent d’agir de manière décisive pour juguler la crise. » L’année 2020 se présente comme un moment phare pour la biodiversité, insiste l’UICN. Le pro chain Congrès mondial de la na ture est programmé à Marseille en juin, suivi de la réunion des parties de la Convention sur la diversité biologique en octobre – l’équivalent de la COP climat, mais sur les enjeux de biodiversité – en Chine.
«Les prochains mois seront cruciaux pour l’avenir de la planète », assure Jean Smart, directrice mon diale du Groupe de conservation de la biodiversité de l’UICN, dans un communiqué. « Le Congrès mondial de la nature représente une étapeclé pour définir le programme de travail mondial en matière de conservation. Un travail nécessaire pour répondre à l’urgence dans laquelle se trouvent les espèces, en vue des décisions que les gouvernements prendront lors de la réunion de la Convention sur la diversité biologique », insiste la dirigeante.
Clémentine Thiberge/Le Monde12 décembre
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: Le râle de Guam, qui a bénéficié d’un programme d’élevage de trentecinq ans, reste classé en
« danger critique ». GREG HUME/UICN