Depuis leur mise en service, les 31 éoliennes exploitées par les filiales du groupe EDF sur le Causse d’Aumelas dans l’Hérault détruisent en quantité des Faucons crécerellettes alors que cette espèce d’oiseau protégée justifie le classement de ce causse dans le réseau européen Natura 2000. Après 10 ans de combat juridique, la Cour de cassation confirme que ces destructions sont illégales. A travers cette importante jurisprudence, c’est toute la doctrine construite par la filière éolienne et le ministère de l’environnement concernant les destructions d’espèces protégées par les éoliennes qui est remise en cause.
Des éoliennes implantées en site Natura 2000 qui impactent gravement une espèce d’oiseau en danger : le faucon crécerellette
Le Faucon crécerellette est un petit rapace vivant en colonies, qui a frôlé l’extinction en France dans les années 1980. Grâce aux efforts des associations de protection de la nature et à un « Plan National d’Actions » (PNA) financé par le Ministère de la Transition Écologique, cette espèce est actuellement en cours de rémission démographique, même si elle reste classée sur la liste des espèces en danger d’extinction en France (seulement 3 noyaux de population).
C’est notamment en raison de la présence de la principale colonie française de cette espèce que les collines qui accueillent les éoliennes d’Aumelas sont classées Natura 2000.
Depuis 10 ans, parmi les 30 espèces protégées impactées par les éoliennes d’Aumelas, une soixantaine de spécimens de Faucons crécerellette ont été retrouvés morts au pied des éoliennes de ce parc. Selon le bilan du PNA pour cette espèce, ces 60 spécimens ne constituent que la part visible de la mortalité causée par le parc, estimée au triple. Compte tenu de ces chiffres, les responsables de ce plan considèrent que la principale menace qui pèse sur la population héraultaise de Faucons crécerellette est le parc éolien d’Aumelas.
Une décision judiciaire qui rappelle clairement l’industrie éolienne à la loi sur les espèces protégées
La Cour de cassation rappelle que la destruction d’un seul individu d’une espèce protégée par une éolienne est interdite par la loi, et que les promoteurs éoliens, même liés à EDF, doivent respecter cette interdiction. Elle rappelle que sous certaines conditions strictes (tenant notamment à l’objectif de maintenir les populations d’espèces protégées), la loi autorise le préfet à délivrer des dérogations permettant de détruire des espèces protégées.
Mais, depuis 2010 et les premières découvertes de mortalités d’oiseaux protégés, les sociétés filiales d’EDF se refusent avec constance à présenter une telle demande de dérogation au préfet de l’Hérault ; ces sociétés estiment, à tort, qu’elles ne sont pas soumises à l’interdiction de détruire des espèces protégées qui concerne pourtant toutes les activités et est une exigence du droit européen.
Une remise en question de la doctrine du Ministère de l’Environnement
Cette exploitation illégale perdure depuis des années avec la complicité de la préfecture de l’Hérault et du ministère de l’environnement qui, malgré le constat de mortalités d’oiseaux importantes, répétées et prévisibles, refusent toujours de faire respecter le droit des espèces protégées.
L’indulgence persistante de l’État à l’égard de ce parc éolien – exceptionnel tant par son environnement que par ses impacts – est d’autant plus surprenante qu’en janvier 2020, la DREAL avait rédigé un « rapport en manquement » concluant à la nécessité de suspendre l’exploitation des éoliennes pendant la période de présence des Faucons crécerellette. Il n’avait pas été suivi d’effet.
In fine, la Cour de Cassation vient remettre en question la doctrine du ministère de l’environnement, élaborée main dans la main avec l’industrie éolienne, qui consiste à contourner les lois de protection de la biodiversité au prétexte dévoyé de la transition énergétique, alors que l’un ne peut, et ne doit, pas aller sans l’autre. La transition écologique ne peut pas se résumer à une politique du chiffre en matière de production énergétique.
Pour Simon POPY, Président de FNE Languedoc-Roussillon : « L’érosion continue de la biodiversité de notre pays (cf. constat UICN rendu public le 3 mars 2021) tient en partie aux carences substantielles de l’Etat dans l’application des législations protectrices des espèces menacées, et à l’irresponsabilité de certains des plus grands opérateurs économiques de notre pays, comme EDF. Une infrastructure de production d’énergie renouvelable ne peut pas se prétendre écologique si elle ne respecte pas le droit de l’environnement. Si l’administration n’est pas capable de faire respecter ce droit dans un cas aussi extrême, à quoi sert-elle ? Certains parcs ont été construits au mauvais endroit, de telles erreurs doivent pouvoir être corrigées. Nous sommes convaincus que sur le long terme, l’entêtement d’EDF et de l’Etat sur un cas extrême fait plus de mal que de bien à la filière éolienne, et nous sommes soulagés qu’au bout de 10 ans de combat, le sens de la loi soit enfin rappelé. Aujourd’hui, nous redemandons l’arrêt des éoliennes d’Aumelas pendant la période de présence des Faucons crécerellette[1] et nous exigeons que le Causse d’Aumelas soit sorti des « zones favorables à l’éolien » dans la nouvelle planification régionale de l’éolien en cours d’élaboration. »
Pour Jean-David Abel, Pilote du réseau biodiversité de France Nature Environnement : « Cette décision renforce la légitimité de notre proposition de création d’un observatoire dédié à la compilation de connaissances sur les enjeux liant les ENR et la biodiversité terrestre, à l’image de l’Observatoire national de l’éolien en mer créé l’année dernière. Cet observatoire rassemblant des données de terrain en situation variées devra contribuer à nourrir les démarches de planification du développement des ENR terrestres et à définir les bonnes pratiques indispensables pour définir les sites d’implantation et éviter des situations catastrophiques comme à Aumelas ».
Photo : parlonssciences.ca