Les agriculteurs s’apprêtent à bloquer des raffineries le 10 juin pour dénoncer la concurrence de cet oléagineux importé qui concurrence les cultures françaises.
Sus à l’huile de palme ! La FNSEA annonce qu’elle va envoyer ses adhérents bloquer « sites stratégiques » et raffineries « dans l’ensemble de nos régions » à partir du 10 juin pour protester contre les importations de cet oléagineux exotique, concurrent redoutable des colza et tournesol nationaux. Le syndicat agricole majoritaire réagit ainsi au démarrage prochain de la raffinerie de la Mède, dans les Bouches-du-Rhône, où Total prévoit de produire 500 000 tonnes de biodiesel par an, à partir de 450 000 tonnes d’huiles végétales, dont 300 000 tonnes issues des palmiers. Pour le gouvernement, voilà un nouveau sujet de frictions pour cette bioraffinerie dont l’autorisation préfectorale d’exploiter a été délivrée le 16 mai.
La FNSEA en arrive à rejoindre les arguments des défenseurs de la nature, très remontés contre cet emblème de la « déforestation importée », tant les plantations gigantesques de palmiers à huile ont conduit à défricher des contrées entières en Asie et se développent en Afrique. « On nous demande de garantir une alimentation saine, sûre, durable et accessible à tous, et dans le même temps le gouvernement [laisse] négocier des accords commerciaux avec des pays qui ne partagent pas nos exigences sociales, environnementales et sanitaires » et il permet l’importation de « matières premières pour le moins peu durables, » protestent les représentants du secteur agricole. Avant de préciser que ce mouvement de mauvaise humeur vise les distorsions de concurrence en général, pas seulement l’huile de palme.
Représailles économiques
Moins chère, cette dernière domine les marchés mondiaux avec une production annuelle estimée à 71 millions de tonnes, provenant à 80 % d’Indonésie et de Malaisie, loin devant l’huile de soja (49 millions de tonnes), de colza (26 millions de tonnes) ou de tournesol (16 millions de tonnes). Ces jours-ci, le conseil malaisien représentant les intérêts du secteur communique de son côté à tout va sur les « 18 000 emplois qui pâtiraient » si l’Union européenne venait à fermer ses frontières et sur les « 2 milliards d’euros d’exportation » qui seraient menacés. L’Indonésie, la Malaisie et la Thaïlande ne laissent aucun doute sur les représailles économiques qu’elles déclencheraient alors, fait savoir ce conseil.
Ce regain de fébrilité est directement lié aux négociations qui se tiennent à Bruxelles jusqu’à la semaine prochaine entre la Commission et le Conseil européen, sur le renouvellement de la directive décidant de la part des énergies renouvelables dans les transports. Le Parlement de Strasbourg s’est, lui, clairement exprimé en janvier en demandant « l’élimination progressive » de l’huile de palme dans les transports chez les Vingt-huit à partir de 2021. Les pressions sur les acteurs de ce trilogue sont à leur comble.
Une « position forte »
« Nous ne demandons pas l’interdiction, mais nous voulons que l’huile de palme ne soit pas comptabilisée dans les sources d’énergie renouvelables,
résume Arnaud Rousseau, un des dirigeants de la FNSEA qui préside la Fédération française des producteurs d’oléagineux et de protéagineux (FOP) et le groupe Avril. J’aimerais que la France défende cette position. Le gouvernement doit être cohérent : il ne peut pas nous dire qu’il faut une agriculture française avec une meilleure traçabilité, plus de savoir-faire et d’authenticité et favoriser les distorsions de concurrence. C’est ce que je vais dire au président Emmanuel Macron ».
Du côté environnementaliste, on mise plutôt sur Nicolas Hulot, espérant que ce dernier tiendra une « position forte », comme il l’a déclaré sur Europe 1, jeudi 31 mai. « Ce n’est pas de gaieté de cœur que j’ai autorisé la raffinerie de la Mède, a déclaré à l’antenne le ministre de la transition écologique et solidaire. On est en train de s’organiser au niveau européen pour sortir de l’huile de palme et de la déforestation importée (…) Je veux à terme qu’on sorte définitivement des agrocarburants et principalement de l’huile de palme, surtout celle faite sur le dos de la biodiversité. » Selon les ONG, il y a urgence car les secteurs des transports aérien et maritime pourraient à leur tour s’intéresser aux agrocarburants.
Photo : Deforestation sur l’île de Bornéo (Indonésie) pour laisser place à une plantation d’arbres destinés à la production d’huile de palme, le 24 février 2014. BAY ISMOYO / AFP