LPO : « NICOLAS HULOT A JUSQU’AU 30 AOUT POUR SAUVER 100.000 TOURTERELLES DES BOIS D’UNE MORT CERTAINE »
Devant l’état catastrophique des populations de la tourterelle des bois, en danger au niveau mondial et inscrite comme telle sur la liste rouge de l’UICN, la Commission Européenne a proposé aux Etats membres diverses mesures d’urgences dont la suspension de sa chasse. Aussi incroyable que cela puisse paraitre, la France, qui en laisse tuer environ 100.000 chaque année, a refusé ! Nicolas Hulot a jusqu’au 30 août pour revenir sur cette position incompréhensible et scandaleuse de la France. Un déclin vertigineux
La Tourterelle des bois est inscrite à la liste rouge européenne des oiseaux menacées de disparition comme Vulnérable (BirdLife International 2015a) en raison du déclin vertigineux de ses effectifs qui ont chuté de 74% depuis 1980 (PECBMS 2013). Cet effondrement s’observe sur l’ensemble de l’aire de répartition de l’espèce. Ces 10 dernières années, le déclin s’est accéléré : rien que pour la France, selon le Suivi Temporel des Oiseaux Commun du MNHN, l’espèce a encore diminué de 44 % depuis 2007 (Jiguet 2017). Ce que confirment les effectifs de Tourterelle des bois en migration dans le cadre du suivi standardisé des migrateurs à la pointe de grave (Migraction 2018), divisés par près de 8, en 32 ans.
La responsabilité de la France engagée
Et la France a une très forte responsabilité pour la conservation de cette espèce. D’une part elle abrite une part non négligeable de la population reproductrice mondiale de Tourterelle des bois, et d’autre part elle se situe sur le trajet migratoire des populations reproductrices d’Europe du Nord-Ouest.
La France accueille près de 10% de la population européenne de Tourterelle des bois, derrière l’Espagne (46%) et la Turquie (12%) (BirdLife International 2015a). La transformation des paysages agricoles, la destruction du bocage, des haies, seraient avec la perte des habitats semi-naturels un important facteur expliquant le déclin de l’espèce (Lutz 2006; BirdLife International 2015a).
La chasse affecte une espèce agonisante
La chasse pendant la migration postnuptiale est un facteur additionnel non négligeable qui pèserait sur la Tourterelle des bois (BirdLife International 2015b), unique tourterelle en Europe à effectuer des migrations de longue-distance. Selon la dernière enquête de l’ONCFS, ce serait près de 91 704 individus qui seraient prélevés en France. En réalité faute de remontée des tableaux de chasse, l’ONCFS estime les prélèvements annuels entre 45.618 et… 137.789 ! (entre 45 618 et 137 789 ind. ; Aubry et al. 2016). La France est une étape importante pour les populations d’Europe du nord-ouest en migration. Les dernières études menées en Angleterre – où l’espèce a décliné de 70% en 30 ans ! – par la RSPB au moyen d’oiseaux équipés de balises satellites[1] illustrent la situation stratégique de la France sur le couloir migratoire de l’espèce. Les prélèvements par la chasse sont également très importants en Espagne (421 000 ind. déclarés prélevés pour la saison 2011/12) et en particulier en Andalousie où la plupart des Tourterelles des bois effectuent une halte migratoire avant de rejoindre leurs quartiers d’hivernage africains (Lormee et al. 2016). En plus des prélèvements cynégétiques, les épisodes de sécheresse au Sahel et la compétition avec la Tourterelle turque sont également évoqués comme autres facteurs additionnels menaçant la conservation de l’espèce (Lutz 2006).
La France, qui s’est opposée au moratoire, a jusqu’au 30 août pour changer d’avis
Devant ce tableau catastrophique d’une espèce qui s’effondre, l’Union Européenne a proposé un ensemble de mesures, dont un moratoire de la chasse qui s’impose évidemment. De manière incompréhensible, la France a refusé cette proposition de moratoire ! Cet extrait de mail en provenance de la commission européenne en témoigne : “Approved at the EU Nature Directives Expert Group meeting on the 22-23 May 2018 by Member States of the European Union, with the following disclaimer: Austria, France, Italy, Malta, Portugal, Romania, Spain and the Federation of Associations for Hunting and Conservation of the EU (FACE) do not support measure 3.1.1 « Implement a temporary hunting moratorium until an adaptive harvest management modelling framework (Action 3.2.1) is developed”… If the disclaimer does not reflect your position, please send us your comments by 30 August 2018”.
Les pays ont jusqu’au 30 août pour revoir leur position.
Pour Allain Bougrain Dubourg, «Les observateurs de la LPO comptaient près de 30.000 tourterelles des bois à la Pointe de Grave chaque année ; durant la dernière saison ils en ont vu passer seulement 3904 ! Un effondrement dramatique. Il est temps pour Nicolas Hulot de prouver qu’il accorde la même importance à la protection des espèces en danger qu’au climat. Il a la possibilité d’agir très concrètement pour une espèce en danger au niveau mondial, ici pas ailleurs, tout de suite, pas demain ».
photo Fabrice Cahez