La position de Cap Nature a prévalu : si le socle général du texte, qui fixe les grands axes, sera bien présenté en mars, la partie opérationnelle doit encore faire l’objet de travaux supplémentaires.
L’intégralité de la nouvelle stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) ne sera finalement pas publiée d’ici à la fin du quinquennat. Alors qu’un certain nombre d’ONG et d’instances publiques de consultation et d’expertise scientifique appelaient, ces dernières semaines, à un report de la présentation du texte, jugé largement inabouti en l’état, le ministère de la transition écologique a annoncé, vendredi 4 mars, une parution en deux temps.
Le socle général, dont les grandes lignes avaient été annoncées lors du congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) à Marseille, en septembre 2021, sera présenté « avant le 18 mars ». La partie opérationnelle de la stratégie, qui portera sur les indicateurs et les cibles, le financement global de la biodiversité et l’inscription du texte dans le cadre européen et mondial, ne sera, elle, présentée que dans plusieurs mois, sans doute à l’automne – et donc par un nouveau gouvernement.
L’objectif de cette troisième édition de la SNB est d’enrayer la disparition des espèces et la dégradation des écosystèmes d’ici à 2030, ce que ni la précédente stratégie (2011-2020) ni le plan biodiversité présenté en 2018 par Nicolas Hulot ne sont parvenus à faire. Ces derniers jours, différentes instances avaient exprimé leur crainte de voir se répéter un nouvel échec.
Projet « insuffisamment ambitieux »
Dans son avis adopté mercredi, le Conseil national de la biodiversité considère « qu’un travail conséquent reste à faire pour préciser cette stratégie, en particulier dans les domaines de sa gouvernance et de ses moyens humains et financiers, pour assurer son portage interministériel effectif et lui donner un caractère vraiment opérationnel ». Le Conseil national de la transition écologique a émis un avis défavorable, jugeant le projet « insuffisamment ambitieux », présentant « peu de réponses opérationnelles et un calendrier imprécis », et ne présentant « aucune hiérarchisation » des mesures.
Même tonalité du côté du Conseil national de la protection de la nature, pour qui le projet de troisième édition de la SNB « se contente de lister l’existant et de l’organiser sous forme d’objectifs et de mesures, sans apporter de réelle nouveauté ». L’instance estime que le document traite « de manière insuffisante » les principales pressions qui pèsent sur les espèces et les écosystèmes, éludant presque totalement l’artificialisation des sols, l’intensification agricole et forestière, la pêche industrielle et l’activité cynégétique.
Ces organismes, consultés au départ en vue d’une publication de l’ensemble de la stratégie début mars, appelaient à un report. Le 18 février, les représentants de treize organisations de protection de l’environnement avaient également adressé un courrier au président Emmanuel Macron, lui demandant de prendre acte du fait que le travail ne pourrait pas aboutir avant l’élection présidentielle et « d’accorder un temps supplémentaire de travail collectif ».
« On a manqué de temps »
La secrétaire d’Etat à la biodiversité assure partager le constat de ces différents acteurs. « Tout le monde s’entend sur le socle et les grands axes stratégiques, assure Bérangère Abba. Mais je suis d’accord sur le fait qu’on a manqué de temps et qu’il faut encore transformer l’essai et concrétiser la déclinaison opérationnelle et le plan d’action. » La question des indicateurs et des moyens qui seront associés à cette stratégie est cruciale pour espérer obtenir des résultats et améliorer réellement la protection de la biodiversité.
Pour justifier le retard pris, Bérangère Abba met en avant le fait que dans le cadre de la préparation du texte, de nombreuses consultations ont été menées sur le terrain, pendant plusieurs mois, auprès d’acteurs locaux et de citoyens. « L’échec, pour moi, ça aurait été de céder à la facilité en adoptant simplement une version révisée par les services, sans avoir fait tout ce travail de consultation, assure-t-elle. Je suis très fière de tout le matériau que ces discussions nous ont apporté. » La secrétaire d’Etat assure avoir déjà obtenu des arbitrages importants pour trouver de nouveaux financements, une mission dédiée devant élaborer « des préconisations concernant la fiscalité ».
Le report de la publication permettra également d’intégrer les décisions qui devraient être adoptées lors de la COP15 sur la biodiversité, qui pourrait se tenir à la fin de l’été en Chine – les nouvelles dates officielles, après plusieurs reports, n’ont pas encore été annoncées – et vise à établir un nouveau cadre mondial de protection de la nature.