Chaque année en avril, ces oiseaux marins endémiques de l’île échouent à terre, trompés par les éclairages urbains. Pour éviter qu’ils ne meurent de faim ou dévorés par des chats ou chiens, les Réunionnais se mobilisent pour les sauver.
Papaye, truffe frémissante, décèle sans coup férir l’odeur âcre des Pétrels de Barau. La chienne de Sylvain a été dressée «dès trois mois» pour sauver cet oiseau marin endémique de la Réunion, classé en danger d’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature. «Une nuit, nous avons récupéré 240 pétrels échoués au sol», se souvient Sylvain, retraité et bénévole de l’association Seor (Société d’études ornithologiques de la Réunion). Une fois à terre, les volatiles noir et blanc sont incapables de décoller, à la merci des chats et voitures.
Nuits sans lumière
Mardi, Sylvain et Papaye, qui patrouillent tous les soirs d’avril, en ont retrouvé un à Cilaos, un cirque géologique cerné de montagnes, un des couloirs migratoires par lequel transitent les pétrels. Chaque oiseau est mesuré, pesé, bagué et si son état de santé le permet, relâché dès le lendemain. A cet effet, il faut le transporter, dans un carton percé de trous, sur le littoral. C’est ce qu’a fait Serge, un autre bénévole, mercredi matin, à l’embouchure de la Grande Ravine, sur la côte ouest. Grimpé sur un promontoire au-dessus de l’océan, le «vieux briscard des animaux» a tendu les paumes au ciel, laissant le fouquet s’envoler librement.
Ces juvéniles de trois mois s’envolent en avril des massifs du piton des Neiges et du Grand Bénare, les sommets de l’île, entre 2 800 et 3 000 mètres d’altitude. Ils visent l’océan, où ils doivent passer environ cinq ans, dormant sur les flots. Ils ne reviennent sur la terre ferme qu’une fois leur maturité sexuelle atteinte. Mais le département d’outre-mer, fort de ses 850 000 habitants, est un caillou brillant de mille feux. Les lumières des lampadaires, des stades, des centres commerciaux, des publicités les attirent, se confondant avec le reflet de la lune et des étoiles sur la mer. Des centaines de ces taille-vent – le nom créole – qui n’existent nulle part ailleurs au monde, mourraient sans l’intervention de la Seor….
Suite dans Libération du 11 avril
photo : A Saint-Leu, à la Réunion. en avril. Serge, bénévole pour la SEOR, relâche un pétrel qu’il a récupéré un peu plus tôt à Saint-Gilles chez un particulier. Tous les habitants de l’île sont incités à recueillir les oiseaux, et appeler la SEOR aussitôt. (Romain Philippon/Libération)