La Fédération du Haut-Rhin appelle à boycotter les tirs de daims et de cerfs réclamés par la préfecture après la fermeture de la saison de chasse pour respecter la quiétude des animaux après un hiver difficile.
Un préfet qui ordonne la chasse et des chasseurs qui refusent de sortir leurs fusils, sous prétexte que les animaux ont déjà suffisamment souffert comme ça et qu’ils méritent un peu de repos… L’épisode, cocasse, se déroule cette semaine dans le Haut-Rhin.
Après une longue saison de sept mois, la chasse au cerf et au daim est officiellement fermée depuis le 1er février. Mais la préfecture a publié le jour même de la fermeture un arrêté contradictoire (ici en PDF), qui prescrit de continuer à organiser des «chasses particulières de destruction par des tirs» des daims et des cerfs élaphes, «de jour et de nuit à la lampe»,jusqu’à la fin du mois de février. Le préfet du Haut-Rhin justifie cette demande par «l’importance des dégâts aux cultures et aux forêts» dont serait responsable une population de cervidés trop nombreuse. Et puis, on n’a pas pu chasser autant qu’on aurait dû ou voulu cette année, avance l’arrêté : les chasseurs ont rencontré des «difficultés […] en raison du contexte sanitaire», et même la météo leur a mis des bâtons dans les roues en janvier «avec des niveaux de neige élevés rendant la chasse difficile».D’où cette prolongation surprise d’un mois décidée à la dernière minute et même publiée après sa date d’entrée en application, «une technique bien connue pour empêcher toute saisine du juge avant que les tirs ne commencent», analyse l’avocat spécialisé en environnement Arnaud Gossement.
Sauf que les arguments de la préfecture ne convainquent pas les chasseurs eux-mêmes. La Fédération des chasseurs du Haut-Rhin s’est fendue jeudi d’un communiqué énervé pour «faire part de son opposition formelle à cet arrêté», ressenti carrément «comme une véritable déclaration de guerre aux chasseurs». S’il existe une date de fin à la saison de la chasse, ce n’est pas pour des prunes, rappellent les chasseurs alsaciens : «Il est de nécessité absolue de préserver la quiétude des grands animaux exténués par une longue période de chasse et de dérangements multiples.» Ils soutiennent que la saison a été bien remplie malgré la pandémie («les chasseurs ont rempli leurs obligations de tir en dépit des difficultés liées au Covid») et si les rudes conditions climatiques de janvier ont gêné la chasse, elles ont aussi «été catastrophiques pour forêt et faune (neige en montagne, inondations en plaine)». Alors repos pour tout le monde.
«Abattage de masse»
Et comme si les arguments bidon ne suffisaient pas, les chasseurs désapprouvent aussi la méthode préconisée par la préfecture : «Tirer cerfs et daims de nuit à la lampe ou au système infrarouge depuis la voiture ne peut être un acte de chasse. Les chasseurs sont respectueux de la nature et refusent de participer à la destruction brutale de la grande faune par des moyens utilisés par des braconniers.»
Libération-Camille Gévaudan/7 février 2021
photo : Un chasseur lors d’une battue à Hirsingue (Haut-Rhin), le 8 octobre (photo d’illustration). (SEBASTIEN BOZON/AFP)