Si les baleines à bosse chantent plus fort lorsque le vent souffle, elles ne s’adaptent pas de la même façon au bruit des moteurs. Une différence que les chercheurs peinent encore à expliquer.
C’est une véritable bizarrerie évolutive que des chercheurs de l’Université du Queensland (Australie) ont découvert chez les baleines à bosse (Megaptera novaeangliae). Si celles-ci chantent plus fort lorsque le vent souffle, elles ne font pas cet ajustement quand un navire masque à son tour leur communication.
La communication sonore, une stratégie de choix dans les océans
Les animaux sauvages ne sont pas dérangés par le bruit et s’y adaptent. Ils n’ont pas vraiment le choix : la nature est loin d’être silencieuse. Ainsi, les espèces qui utilisent les signaux sonores pour communiquer s’accommodent d’une augmentation du bruit en émettant tout simplement leur signal encore plus fort, de sorte qu’il puisse être entendu par leurs congénères.
Cependant, au cours des dernières décennies, l’humanité a profondément modifié l’environnement acoustique en multipliant les activités bruyantes. « Alors que certaines espèces peuvent être en mesure d’utiliser les mêmes stratégies développées dans des conditions de bruit naturel pour faire face au bruit supplémentaire généré par des sources anthropiques, d’autres ne peuvent pas« , souligne une étude publiée le 10 mai 2023 dans la revue Proceedings of the Royal Society B.
Les conséquences peuvent être considérables, affectant la reproduction, la recherche de nourriture ou encore, l’évitement des prédateurs. Un problème encore plus remarquable dans les océans, où la visibilité est limitée et où les sons représentent un moyen de communication privilégié.
S’il existe une espèce marine connue pour ses vocalisations, c’est bien la baleine à bosse. Elle produit des sons lorsqu’elle cherche de la nourriture, en présence de congénères, et quand elle se reproduit, même si les mâles passent petit à petit du chant à l’affrontement physique pour séduire leur partenaire. Les vocalisations de ces derniers ont une gamme de fréquences qui chevauche celles des bruits naturels, dont le vent, mais aussi celle des navires. Réagissent-ils différemment à ces deux tonalités ?
« Le bruit des navires est étranger à leurs instincts »
Pour répondre à cette question, les scientifiques ont écouté, à l’aide d’hydrophones, ces cétacés au large de la plage de Peregian, dans l’est de l’Australie, de septembre à octobre 2010. Alors que le vent soufflait, ils ont invité un navire de pêche de 19 mètres à se déplacer dans la zone d’étude, à différentes vitesses. Les résultats obtenus étaient plutôt inattendus.
Même en présence d’un navire, les mâles ajustaient leur chant au bruit du vent, pourtant masqué par le vacarme du moteur. Ils ne donnaient pas plus de voix. « Les baleines à bosse ont évolué pendant des millions d’années avec le bruit provenant de sources naturelles, mais le bruit des navires est étranger à leurs instincts, commente dans un communiqué de presse le Dr Elisa Girola, auteure principale de l’étude. C’est une découverte surprenante étant donné que le bruit du moteur a une plage de fréquences similaire à celle du vent« .
Pour l’instant, les scientifiques ignorent si l’absence d’ajustements de la part des mâles a des conséquences sur leur vie. Il est aussi possible que, face à ce vacarme, les cétacés optent pour une autre stratégie. En effet, si le vent provoque un son diffus, un navire provoque un bruit localisé et cette différence pourrait être la clé de compréhension de ce mystère. Mais les scientifiques n’en savent, pour le moment, guère plus.