Le chat domestique, un fléau envahissant pour la biodiversité

En plus des dégâts causés par nos activités et notre empreinte toujours plus forte sur les milieux, nos chers chats domestiques, véritables prédateurs, affectent de plus en plus la biodiversité. Un sujet de plus en plus pesant qui pose question sur les mesures à mettre en oeuvre pour limiter leurs ravages sur le peu d’animaux sauvages qu’il reste dans nos lieux de vie.

La domestication du Chat domestique trouve son origine entre l’Égypte et le Proche-Orient il y a au moins 10 000 ans. Il est présent en France métropolitaine, dès l’époque romaine et « s’est véritablement imposé dans les fermes qu’après le moyen-âge où il avait pour mission d’y chasser les rongeurs. Aujourd’hui, sa popularité va croissant et l’animal répond à l’évolution progressive des liens de l’Homme à la domesticité : vers plus d’autonomie et d’indépendance », explique le Muséum national d’Histoire naturelle.

Le chat domestique (Felis silvestris catus) est un carnivore, de la famille des Félidés. Sous ses airs attendrissants, le chat est un véritable prédateur qui occupe une partie de sa nuit à chasser un peut tout et n’importe quoi. Il s’attaque principalement aux petits mammifères, petits oiseaux mais aussi à toute proie à sa portée (amphibiens, reptiles, poissons, papillons, libellules…). La plupart du temps, il n’a pas pour objectif de se nourrir mais plutôt de satisfaire ses instincts naturels.

Au niveau planétaire, le chat, est, derrière le rat mais devant le renard et le chien, à l’origine de l’extinction de dizaines d’espèces. En cause, la prédation directe mais aussi la compétition inter-espèces, la transmission de maladies et enfin l’association avec les autres espèces invasives.
Au moins 63 espèces sont éteintes à causes des chats : 40 oiseaux, 21 mammifères, 2 reptiles depuis 500 ans ; cela représente un quart de toutes les extinctions contemporaines connues pour ces espèces, selon les recherches effectuées par le Docteur Tim Doherty du Center for Integrative Ecology of Deakin University (Australie) qui s’emploie notamment à montrer les ravages des chats en Australie.

Une étude parue en 2013 dans Nature estimait que les chats tuaient entre 1,3 à 4 milliards d’oiseaux et 6,3 à 22,3 milliards de petits mammifères chaque année rien qu’aux Etats-Unis.
En Australie, les chats tueraient 377 millions d’oiseaux et 649 millions de reptiles chaque année, ce qui a poussé le pays a lancé une campagne d’éradication de 2 millions de chats errants sur 5 ans.

Au Canada, les chats tuent entre 100 et 350 millions d’oiseaux par an, ce qui représente « probablement la plus grande source de mortalité d’oiseaux liée à l’homme au Canada » (Blancher, 2013 ; Calvert et al., 2013). En Australie, on estime que les chats (y compris les sauvages) tuent en moyenne 377 millions d’oiseaux par an, soit un million d’oiseaux par jour (Woinarski et al., 2017) ; ainsi qu’une moyenne de 649 millions de reptiles…

En Europe, ce sont également des milliards de petits mammifères et d’oiseaux qui sont tués chaque année d’après diverses études menées en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, en Belgique, en Pologne et en France…

De tels chiffres sont sans équivoque et poussent les scientifiques à tirer la sonnette d’alarme : les chats domestiques sont devenus l’une des principales causes de mortalité pour les oiseaux et les petits mammifères, éclipsant largement d’autres sources comme l’empoisonnement, les pesticides ou les collisions avec les voitures (Longcore et al., 2012 ; Loss et al., 2013 ; Loss, Will et Marra, 2015). En outre, indirectement, ils privent d’autres prédateurs (rapaces, autres mammifères, reptiles…) de leurs proies et réduisent donc leurs populations.

Dans un état de lieux très instructif publié en 2020, les chercheurs Arie Trouwborst, Phillipa C. McCormack et Elvira Martínez Camacho concluent que « de nombreuses autorités nationales dans le monde sont actuellement tenues, en vertu du droit international public, d’adopter et de mettre en œuvre des politiques visant à prévenir, réduire ou éliminer les impacts sur la biodiversité des chats domestiques en liberté, en :

  1. éliminant les chats sauvages et autres chats sans propriétaire du paysage dans la mesure du possible ;
  2. en restreignant l’accès à l’extérieur des chats avec propriétaire. »

Chats en France : 12 millions de prédateurs insatiables

En France, « La prédation importante des chats sur les animaux sauvages est un fait avéré. A titre d’exemple, en 2017, plus de 11% des animaux accueillis en centres de sauvegarde LPO furent des animaux blessés par des chats : 84 % sont des oiseaux, 16% sont des mammifères ou des reptiles », déplorait la LPO, fin janvier 2018.

Il y a environ 12 millions de chats en France[1], c’est de loin, l’animal domestique le plus populaire, devant le chien (7,5 million). Avec le massacre systématique et permanent (on pense bien sûr au loup) de la plupart des prédateurs sauvages en France, le chat s’est facilement imposé comme « le carnivore le mieux représenté dans notre environnement, qu’il s’agisse des milieux urbains ou des paysages ruraux », précise le Muséum national d’Histoire naturelle.

La multiplication des chats devient problématique pour la faune sauvage. En effet, le chat, même domestiqué, conserve ses instincts et ses facultés de prédateur, indépendamment de tout besoin alimentaire. Autrement dit, même bien nourri et choyé, le chat reste un tueur nocturne, comme en témoignent les cadavres, peu dévorés, qu’il laisse au petit matin dans le jardin. La prédation est tellement importante que la LPO considère même le chat domestique comme une espèce « invasive » dans les écosystèmes.

Selon le Muséum national d’Histoire naturelle, le chat s’attaque à plus de 50 espèces en Europe occidentale avec des effectifs prélevés qui peuvent être importants. Ainsi, les amphibiens, reptiles et toutes sortes de petits vertébrés, souvent en voie de disparition en France, sont également les proies des chats domestiques dans le milieu naturel.

Selon différentes études et méthodes, un chat bien nourri peut capturer en moyenne 27 proies par an, contre 273 pour un chat errant et 1 071 pour un chat haret[2]. Par conséquent, rien que les chats domestiques tuent environ 324 millions de petits animaux par an ![3]

Cette estimation n’est pas anodine alors que les oiseaux nicheurs voient leur population diminuer selon la mise à jour 2016 de la Liste rouge nationale : un tiers des espèces d’oiseaux nicheur est désormais menacé, contre un quart en 2008. Au total, 92 espèces sont classées menacées dans l’Hexagone.

Les chats ne sont pas les seuls responsables de la mortalité des petits animaux : notre empreinte de plus en plus forte sur le milieu « naturel » et notamment la destruction des habitats contribuent fortement au déclin de la faune sauvage. La chasse y contribue également : sur le territoire métropolitain, entre 149 000 et 895 000 oiseaux sont tués illégalement chaque année… Tandis que l’habitat des petits animaux ne cessent de se retreindre à cause de l’étalement urbain.

Les chats domestiques poussent les chats sauvages à l’extinction

Les chats sauvages européens, que l’on croyait éteints il y a une cinquantaine d’années dans les montagnes du Jura, ont depuis recolonisé une partie de leur ancien territoire. Mais cette résurgence dans une zone occupée par les chats domestiques s’est accompagnée de croisements génétiques entre les deux espèces. Or, l’hybridation entre organismes sauvages et domestiqués est connue pour mettre en danger le pool génétique des espèces sauvages.

Dans une étude publiée dans la revue Evolutionary Applications, une équipe de biologistes de l’Université de Genève (UNIGE), en collaboration avec l’Université de Zurich et l’Université d’Oxford, a modélisé les interactions entre les deux espèces pour prédire l’avenir du chat sauvage dans la région montagneuse du Jura suisse. Les différents scénarios modélisés par les scientifiques montrent que d’ici 200 à 300 ans – un temps très court en termes évolutifs – l’hybridation entraînera le remplacement génétique irréversible des chats sauvages, rendant impossible de les distinguer de leurs cousins ​​domestiques, comme c’est déjà le cas en Ecosse et en Hongrie.

Autrement dit, le chat domestique va entraîner la disparition du chat sauvage européen (Felis silvestris) ou chat des forêts qui était autrefois très commun. Déjà celui-ci avait souffert de la chasse intensive aux XIXe et XXe siècles et de la déforestation massive qui a réduit son habitat naturel, entraînant sa disparition dans certaines régions d’Europe.

Comment empêcher les chats de détruire la biodiversité ?

Garder son chat à l’intérieur la nuit tombée est la meilleure prévention mais ce n’est pas toujours suffisant. Suite à leur étude publiée dans la revue Current Biology du 11 février 2021, des chercheurs conseillent dans conseillent quelques stratégies simples pour réduire l’impact environnemental des chats sans restreindre leur liberté.

Leurs études montrent que les chats domestiques chassent moins lorsque les propriétaires les nourrissent avec une alimentation contenant beaucoup de protéines de viande. « Certains aliments pour chats contiennent des protéines d’origine végétale comme le soja, et il est possible que malgré la formation d’un ‘régime complet’, ces aliments laissent certains chats carencés en un ou plusieurs micronutriments – les incitant à chasser« , a déclaré Martina Cecchetti, PhD. étudiant qui a mené les expériences.

En outre, il faut leur proposer des jeux imitant la chasse où ils peuvent traquer, chasser et sauter, par exemple sur un jouet en plumes suspendu par leur propriétaire à une ficelle et une baguette. Un jouet en forme de souris est aussi approprié après chaque jeu de chasse pour simuler une récompense de chasse. Seulement 5 à 10 minutes de jeu par jour réduisent le taux de prédation de 25 %, selon l’étude.

« Pour limiter la prédation de son chat de compagnie, il faut lui laisser un libre accès à une alimentation variée, ne pas le laisser sortir au petit matin ou à la tombée de la nuit », conseille la LPO.

Chat et biodiversité : un projet de sciences participatives en France

Pour estimer plus précisément l’impact des chats sur la faune sauvage, le Muséum national d’Histoire naturelle a lancé en 2015 un site web qui a pour « vocation de recueillir des données sur la prédation du Chat domestique sur la petite faune sauvage. La somme d’informations recueillie permettra d’esquisser le régime alimentaire de l’animal dans son milieu, en lien avec différents paramètres relatifs à l’habitat (contexte urbain, milieu environnant) ou à la relation avec les hommes (nourrissage, maintien en liberté). Une meilleure compréhension des écosystèmes en présence de ce prédateur est également attendue. »

Début 2019, les premiers résulats ont été rendus publics : « sur les 27 000 données analysées, les proies identifiées concernent plus de 200 espèces. Les mammifères sont majoritaires, avec 66 % des proies rapportées par les chats domestiques, suivis par les oiseaux (22 %) et les reptiles (10 %). Les autres classes, bien qu’anecdotiques, restent néanmoins variées : insectes, poissons, araignées, gastéropodes, clitellates (lombrics) et chilopodes (scolopendres) figurent au menu des chats.
Parmi les petits mammifères, 74 % sont des rongeurs, et 19 % des Eulipotyphles, c’est-à-dire des taupes, musaraignes et hérissons.

En ne considérant que les petits rongeurs (Cricetidae, Gliridae, Muridae) et les musaraignes et apparentés (Soricidae), soit 15 858 proies, l’espèce la plus chassée est la Souris grise (Musmusculus, 18 %), suivie du Campagnol des champs (Microtus arvalis, 4 %) et du Mulot sylvestre (Apodemus sylvaticus, 4 %).
Cependant, 64 % des données de micromammifères appartiennent à des catégories non identifiées à l’espèce telles que « mulots », « musaraignes », « campagnols » et « petits rongeurs (souris, mulots, campagnols) » ».

Notes

  1. Il s’agit ici des seuls chats « de propriétaires », les effectifs des populations libres ou retournées à l’état sauvage restant inconnus.
  2. Le chat haret (ou chat féral) est un chat domestique retourné à l’état sauvage. Il vit et se reproduit librement dans la nature.
  3. Faute de statistiques sur les chats sauvages et harets, il n’est pas possible d’avoir une estimation complète.

Source : https://www.notre-planete.infophoto

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