Les politiques publiques de préservation sont décevantes, estime dans une note publiée jeudi l’organisme placé auprès du Premier ministre, qui plaide pour une fiscalité plus incitative et une réorientation des aides agricoles.
Le Conseil d’analyse économique (CAE) n’a pas d’hésitation sur le constat : « Les indicateurs convergent sur l’effondrement de la biodiversité. » Et la France n’y échappe pas. Les écologistes élaborent des solutions. Mais quel genre de réponse économique apporter ? A la demande de Bercy, l’organisme s’est penché pour la première fois sur le sujet, dans une note publiée ce jeudi. « La biodiversité est un bien public, acte son président délégué Philippe Martin, et c’est l’activité économique qui est en grande partie responsable de la perte de biodiversité. »
Or, face à ce déclin – dont le rythme s’accélère, comme l’indique le dernier rapport du WWF publié mercredi – en France, les stratégies déployées ne sont pas à la hauteur, selon le CAE. « Les politiques publiques de préservation [de la nature] sont décevantes », estime l’économiste Jean-Christophe Bureau, coauteur de la note. Les moyens manquent, les incitations fiscales à la protection de l’environnement sont faibles, voire dommageables, et la gouvernance à revoir.
Il y a une « certaine myopie » du calcul économique, observe Jean-Christophe Bureau, « car la restauration de la biodiversité est un vrai bénéfice économique qui devrait être mieux pris en compte », par les pouvoirs publics comme par le privé. Pour responsabiliser les acteurs privés, le CAE préconise d’intégrer réellement les actifs liés à la biodiversité, le « capital nature », dans les comptes des entreprises, et de valoriser les efforts via un système incitatif d’aides publiques. « La France a globalement une approche administrative, alors qu’il faut une approche plus incitative », dit Dominique Bureau, délégué général du Conseil d’analyse économique pour le développement durable. Le CAE recommande, par exemple, de généraliser l’obligation de compensation des atteintes prévisibles à la biodiversité à toutes les opérations d’aménagement, en s’appuyant notamment sur des crédits transférables qui seraient conditionnés à des engagements de long terme. Pour la biodiversité, l’agriculture joue un rôle clé. Le Conseil suggère de réorienter les budgets agricoles vers des contrats de conservation rémunérateurs, de réviser la fiscalité pour une meilleure utilisation des sols – et soumet l’idée d’un bonus-malus appliqué sur la taxe d’aménagement -, ou encore de mieux réguler les échanges internationaux, à commencer par les inspections sanitaires, avec une coordination à l’échelle européenne. Mais pour changer la donne, la France doit mettre davantage les moyens. La biodiversité ne représente que 5 % des crédits accordés à la transition écologique, et la protection des espaces naturels 3 %. Le secteur privé fait encore moins bien, puisque ses dépenses n’ont pas augmenté depuis 2003, et celles des entreprises ont même baissé (en valeur réelle). Pour le CEA, le plan de relance « donne une opportunité inédite » d’investir davantage. L’argent pourrait ainsi servir à financer des projets de renaturation de rivières, de haies, de zones humides tampons, de plantations diversifiées, etc. et des projets d’ingénierie écologique, avec à la clé, d’importants cobénéfices sociaux.
LesEchos 12/09/2020