Saisi par France Nature Environnement, Humanité et Biodiversité et la Ligue pour la Protection des Oiseaux, le Conseil d’État vient de suspendre l’arrêté du ministère de la Transition écologique et solidaire prolongeant la chasse des oies jusqu’au 28 février 2019. Le Ministre de la Transition Ecologique et Solidaire avait obéi au Président de la République en signant un arrêté le 30 janvier 2019 permettant la chasse aux oies jusqu’à la fin du mois de février. C’était sans compter sur la vigilance de la LPO qui se voit obligée de rappeler année après année aux gouvernements successifs qu’on ne doit pas chasser les oiseaux migrateurs de retour sur leurs lieux de nidification.
On peut dire que les services de l’Etat en auront déployé des trésors d’ingéniosité et de mauvaise foi pour essayer de traduire, dans les faits et le droit, la promesse faite aux chasseurs par Emmanuel Macron en juillet 2018 de pouvoir tuer les oies durant tout le mois de février 2019. Bien que les précédents gouvernements aient échoué depuis vingt ans en essayant tous les prétextes, le Ministère a adopté une nouvelle stratégie.
Parmi les grosses ficelles, il y eut cette rédaction d’un amendement dans le projet de loi pour lutter contre les Sur-transpositions des directives européennes prévoyant… de modifier le code de l’environnement pour autoriser la destruction par la chasse d’espèces gibiers hors période d’ouverture sous prétexte de dégâts. Le projet de loi fut reporté à l’année 2019 pour cause d’affaire Benalla.
Malheureusement pour l’Etat, le coup était parti et la présentation des motivations du Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire sur le site de la consultation publique relative à la chasse des oies en février restait bel et bien la lutte contre les dégâts agricoles. Et ce en expliquant que les Pays-Bas devaient faire face à ces dégâts alors que le Ministère sait pertinemment que ce ne sont pas les mêmes populations d’oies qui transitent par la France. Mais peu importe, puisque faute d’avoir réussi à changer les dispositions législatives, l’arrêté signé s’appuyait sur un autre motif complètement farfelu : les risques de dommages des oies aux équilibres naturels !
Echaudés par des projets d’arrêtés sur le piégeage des oiseaux ayant recueilli près de 90% d’avis défavorables, les chasseurs étaient fortement mobilisés pour répondre en masse à cette nouvelle consultation destinée à les satisfaire. Après que la LPO ait fait remarquer aux services du Ministère qu’il y avait beaucoup d’avis favorables identiques, le Président de la Fédération des chasseurs informait ses adhérents que la LPO ayant repéré beaucoup de « copiés collés », il était nécessaire de changer ne serait-ce qu’un seul mot dans chaque contribution…
Après une série de bugs, de non prise en compte des avis, de non visibilité sur le site, de réponses rassurantes indiquant que le site de la consultation fonctionnait enfin, après la date de clôture de ladite consultation… le Ministère était en mesure (en moins de trois jours après la clôture) d’analyser 52.000 contributions, d’en tirer les enseignements et de conseiller le ministre quant à la décision à prendre !
Fin 2018, il eut également cette tentative de mettre en place à la hâte un comité de scientifique en charge de la « gestion adaptative » et de lui confier notamment l’étude de l’oie cendrée. En réalité, le comité scientifique ne s’est pas réuni et aucune étude n’a été conduite.
Pour tenter d’influencer le Conseil d’Etat Emmanuelle Wargon a même demandé par téléphone au Ministre de l’agriculture Norvégien le vendredi 1er février, soit après la signature de l’arrêté, qu’il approuve en urgence le tir en France des oies cendrées en février ! Ce dernier s’est contenté de répondre que la France pouvait bien faire ce qu’elle voulait…
En condamnant en référé le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, le Conseil d’Etat a considéré
- que la prétendue « gestion adaptative » n’avait sûrement pas pour objectif de contourner les dates de clôture de la chasse
- que des « petites populations n’avaient pas à être prélevées »
- qu’aucun dégât n’impacterait la France en raison de la présence des oies
- que les chiffres de populations d’oies survolant la France durant la période incriminée étaient nettement inférieurs à ceux annoncés par le Ministère.
Au final, à l’heure où la France prétend être exemplaire dans sa volonté d’endiguer le déclin de la biodiversité, on constate qu’elle met tout en œuvre pour permettre l’abattage supplémentaire d’oiseaux migrateurs à seule fin de satisfaire la « chasse récréative ».