Le pesticide aecte la capacité des insectes à réguler la température de leur nid, selon une étude dans « Science ».
La controverse sur le glyphosate n’a, jusqu’à présent, guère porté que sur sa sécurité sanitaire, pour les travailleurs agricoles et les consommateurs. Une équipe de chercheurs allemands de l’université de Constance et de l’institut Max-Planck éclaire le débat sur ses effets environnementaux.
Dans une étude publiée vendredi 3 juin dans Science, la biologiste Anja Weidenmüller et ses coauteurs montrent pour la première fois que le célèbre herbicide – le pesticide de synthèse le plus utilisé au monde –, altère la capacité des colonies de bourdons terrestres (Bombus terrestris) à réguler la température de leur nid. Un effet qui ne survient que lorsque ces pollinisateurs subissent un stress alimentaire et qui menace leur capacité de reproduction.
Au laboratoire, les chercheurs ont coupé en deux une quinzaine de colonies. Dans chacune d’elles, une moitié était exposée par l’alimentation à des faibles niveaux de glyphosate – comparables à ceux rencontrés dans l’environnement –, l’autre moitié servant de témoin. Les chercheurs ont ensuite simulé une situation de stress en réduisant les ressources alimentaires disponibles, situation fréquente dans les paysages agricoles, en particulier lorsque le désherbage à grande échelle détruit la « flore adventice.
Ils ont alors constaté un affaissement de la capacité des insectes à garder leur nid à une température supérieure à 28 °C. Or les larves de ces insectes ne se développent correctement qu’entre 28 °C et 35 °C. « Ne serait-ce qu’à 25 °C, leur taux de survie baisse de 17 % et le taux de développement chute de plus de 50 % par rapport au taux optimal », écrivent les chercheurs.
Selon les mesures des chercheurs, l’exposition au glyphosate peut ainsi faire chuter de 25 % le temps de l’incubation pendant lequel les insectes parviennent à maintenir leur nid dans l’étroite bande de températures permettant à leur progéniture de se développer. « Nos résultats montrent un impact important, surtout lorsque les températures ambiantes sont basses, écrivent les auteurs. Cela suggère que les eets du glyphosate sur la colonie peuvent être particulièrement puissants au début du printemps, lorsque les reines solitaires élèvent leur première couvée seules, et dans la phase précoce du développement de la colonie, lorsque les colonies sont encore petites. » L’exposition à long terme pourrait ainsi avoir « des conséquences importantes » sur le succès reproductif des insectes.
Ces résultats sont d’autant plus importants qu’environ un quart des espèces de bourdons européennes sont menacées d’extinction, et que ces insectes forment un groupe de pollinisateurs parmi les plus importants, autant nécessaires à la reproduction de nombreuses espèces de « fleurs sauvages qu’au maintien et aux rendements de certaines productions alimentaires….
Source et suite et fin : Le Monde 6 juin/Stéphane Foucart
photo : jardinier-malin.fr