Le grand mystère des baleines grises échouées

Depuis le début de l’année 2019, plus de 350 de ces cétacés ont été retrouvés morts sur la côte pacifique de l’Amérique du Nord, du Mexique à l’Alaska. Des milliers d’autres auraient péri en mer. Maladie, pollution, collision avec des navires, épuisement des ressources… Les scientifiques traquent les causes de cette hécatombe.

Personne n’ose encore s’avouer soulagé, mais un rêve d’embellie habite désormais les scientifiques américains spécialistes des cétacés. Après une année 2019 catastrophique, qui a vu 215 baleines grises s’échouer sur la côte pacifique, 144 géants des mers ont péri cette année entre le Mexique et l’Alaska. « Il est possible que nous ayons repris le chemin vers un rythme plus normal », avance Michael Milstein, porte-parole pour la Côte ouest de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA), l’organisme fédéral chargé notamment de la santé des mers.à l’université de Californie-Davis. Chercheuse associée en biologie marine,   Frances Gulland se veut plus prudente. Elle le sait, les chiffres de 2020 demeurent quatre fois plus importants que ceux d’une année normale. ,« Nous retiendrons notre souffle jusqu’à l’hiver prochain » avoue-t-elle.
La vétérinaire ne manque, il est vrai, pas de coffre. Commissaire nationale chargée des mammifères marins – « nommée par Obama », prend elle soin de préciser en souriant –, elle observe, du premier rang, toutes les souffrances endurées par nos cousins des mers. Depuis vingt cinq ans qu’elle se penche sur les baleines, elle a réalisé des dizaines d’autopsies, publié dans les plus grandes revues scientifiques, piloté de nombreux groupes de travail. En 19992000, c’est elle qui coordonnait, pour la NOAA, l’enquête sur la précédente grande vague d’échouements, qui avait provoqué la mort de plus de 600 individus en deux ans.

« Nous n’avons jamais vraiment compris ce qui s’était passé, avoue Frances Gulland. Beaucoup d’animaux morts étaient émaciés sans que nous ayons pu déceler de maladies particulières. Nous avons donc pensé que cela pouvait être lié à une vague de chaleur et à la perturbation du régime alimentaire des baleines dans l’Arctique, là où elles accumulent leurs réserves. En même temps, 25 % des morts faisaient suite à des collisions avec des bateaux ou à des enchevêtrements dans des filets ou des mouillages. Et puis, par la suite, il y avait eu d’autres années chaudes, sans hausse particulière de la mortalité… Donc beaucoup d’hypothèses, peu de réponses. Et nous revoilà vingt ans après, mieux formés, mieux équipés, mais nous n’avons toujours pas l’arme du crime. Juste de forts soupçons. »

Suite dans Le Monde daté 16 septembre

 

 

 

 

photo : Une baleine grise échouée, le 6 mai 2019, sur la plage d’Ocean Beach, à San Francisco.  JEFF CHIU/AP