Les documentaires animaliers battent des records d’audience. Le genre s’est renouvelé pour répondre à cette drôle de passion pour nos amis les bêtes.
Pull motif croco et mini-houppette sur le crâne, Nicolas, le patron du Café Marcel, à Paris, tient à son rituel quotidien. Après le service du déjeuner, il grimpe au premier étage pour se glisser dans son lit et se caler sur la chaîne 61 de sa Freebox TV, Nat Geo Wild. « Parfois, ça agace mon petit ami parce qu’il y a des documentaires animaliers qu’on a déjà vus, mais pour moi ce n’est pas grave, confie-t-il. Ces programmes me relaxent, j’ai l’impression qu’ils libèrent de l’endorphine, comme au sport. »
Suffisamment, en tout cas, pour le requinquer avant le service du soir. Si le restaurateur ne se lasse pas de voir des gnous en transhumance traverser une rivière et se faire dévorer par des crocos (le grand classique de la prédation), des suricates en vigie au bout d’une branche ou des canetons sauter d’un nid à quinze mètres de hauteur, c’est peut-être parce que ce bol d’air pur sur petit écran produirait « des effets bénéfiques sur notre bien-être, notre santé mentale et physique », selon l’étude « Real Happiness Project », menée par la BBC et l’université californienne Berkeley, en 2017.
Alors que les programmes animaliers, du temps de la télévision à six chaînes, distrayaient les insomniaques, qui les préféraient encore aux rediffusions de « Motus » ou « Pyramide », ils se bousculent aujourd’hui sur les chaînes spécialisées (Animaux, Discovery, National Geographic, Nat Geo Wild, Planète +, Ushuaïa TV…), généralistes (France Télévisions et Arte essentiellement), mais aussi sur les plates-formes numériques.
33 millions de vues pour « Notre planète »
Deux d’entre eux ont récemment fait exploser les audiences : Notre planète, vu par plus de 33 millions de curieux, vient d’intégrer le top 10 des séries les plus vues sur Netflix en 2019. Quelques mois plus tôt, Planète animale, best of de la série Planet of Earth II, de la BBC, diffusé en prime time en août sur France 2, avait conduit plus de 4,4 millions de téléspectateurs à encourager un bébé iguane des îles Galapagos à échapper à une horde de serpents. « Mais attention, les cases “animalier” de l’après-midi sur France 5 ou Arte, c’est encore “peanuts”, nuance le réalisateur de documentaires Frédéric Febvre. Tout le monde adore mais personne ne regarde ! » Encore plus quand sa série La France sauvage est rediffusée en même temps que la finale de la Coupe du monde de football, en 2018.
Néanmoins, les Français aux 30 millions d’amis (des bestioles en niche plus que sauvages, certes) marqueraient un intérêt croissant pour la cause animale : selon une étude de l’IFOP conduite en février, une nette majorité souhaitait que le thème soit abordé lors du grand débat national (c’est plutôt raté), avant que le Parti animaliste ne crée la surprise aux élections européennes avec 2,2 % des voix (plus que la liste Urgence écologie, 1,8 %), doublant son score des législatives de 2017…..
Le Monde/Maroussia Dubreuil/8 novembre
photo : Suricate (suricata suricatta) adulte avec deux jeunes à l’affût. Désert du Kalahari, Afrique du Sud. Thomas Dressler / Biosphoto