Ils avaient chassé illégalement des tonnes de poissons dans les Calanques. Le parc national a demandé, vendredi 8 novembre, 450 000 euros pour « préjudice écologique » à quatre braconniers des mers, qui comparaissaient au civil à Marseille. Il s’agit du premier dossier pour préjudice écologique – une notion inscrite au code civil depuis 2016 – à être jugé devant un tribunal en France, selon l’avocat du parc, Sébastien Mabile. L’avocat général a renchéri :
« La demande du parc national est légitime et je demande au juge de faire valoir le principe du droit dans ce dossier historique. »
En juillet 2018, les quatre apnéistes marseillais avaient été jugés au pénal et condamnés à des peines allant de quinze à dix-huit mois de prison avec sursis, pour avoir chassé au harpon illégalement pendant plus de quatre ans dans les eaux protégées des Calanques.
M. Mabile a rappelé que 4,5 tonnes de poissons et coquillages avaient été prélevés illégalement, ce qui a provoqué « un retour en arrière de trois à quatre ans par rapport à l’“effet réserve” sur la biomasse ». Cet « effet réserve », a-t-il expliqué, définit l’augmentation de la biomasse dans les zones de non-pêche.
Un impact sur l’ensemble de la chaîne alimentaire
A la barre vendredi, une directrice de recherche émérite du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), ancienne membre du conseil d’administration du parc des Calanques, Denise Bellan-Santini, s’est désolée de ce que les braconniers s’attaquent notamment à des prédateurs comme le mérou, dont dépend tout un écosystème.
« Quand un braconnier tire un mérou de 10 kg, l’impact sur l’ensemble de la biomasse est multiplié par dix », a-t-elle estimé, car la présence de ce prédateur a une incidence sur l’ensemble de la chaîne alimentaire.
Le parc demande aussi 100 000 euros aux chasseurs sous-marins pour « préjudice moral », et 18 000 euros pour le même préjudice à leurs clients : six écaillers et restaurateurs ayant pignon sur rue à Marseille, et qui ont profité de cette manne. Ces commerçants « ont acheté du poisson issu de la pêche non professionnelle, troué, harponné (…), mais ont bénéficié d’un régime très favorable », a souligné M. Mabile, rappelant qu’ils ont évité le procès public au pénal et n’ont été condamnés qu’à des amendes allant de 800 à 1 500 euros.
Les avocats des écaillers et restaurateurs ont demandé au président de ne pas céder à la « pression politique et médiatique » et de « ramener ce dossier à sa mesure », évoquant « juste quelques poissons achetés », ou encore « cinq douzaines d’oursins ». Le délibéré doit être rendu le 6 mars 2020.
Source Le Monde