Selon l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA), la température de surface de l’océan a battu tous les records depuis le début des mesures en 1981. Pire, elle se maintient à ce niveau depuis plus de 40 jours d’affilée. Notre planète entre en « terrain inconnu », a estimé un climatologue.
Plus de 21 °C pendant 42 jours consécutifs : du jamais vu – ou plus exactement, du jamais mesuré – pour la température moyenne de surface des océans sur Terre. Le « thermomètre » pulvérise tous les précédents records enregistrés par l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) dans sa série de relevés « Optimum Interpolation Sea Surface Temperature » (OISST).
Depuis 1981, l’agence recueille des mesures provenant de satellites, de bouées ou de navires océanographiques. Depuis le milieu du mois de mars, ces données indiquent un réchauffement inédit. Car si le seuil de 21 °C avait certes déjà été franchi ponctuellement en 2016, c’est la durée inhabituelle de cette anomalie – plus d’une quarantaine de jours d’affilée – qui inquiète cette fois-ci.
Alors que les courbes de température dessinent chaque année un pic autour de mars-avril, le tracé de l’année en cours correspond pour l’instant à un plateau. Sans signe de diminution, pour le moment.
« Ce réchauffement est une véritable surprise, et il est très préoccupant »
« Ce que nous observons est très inhabituel
, a commenté Ben Webber, maître de conférences en sciences du climat à l’université d’East Anglia (Royaume-Uni), interrogé par le Guardian. Cette situation prend une direction sans précédent et pourrait nous mener vers des territoires inexplorés. » « Le fait que le réchauffement soit aussi important est une véritable surprise et c’est très préoccupant. Il pourrait s’agir d’un pic extrême de courte durée, ou du début de quelque chose de beaucoup plus grave« , a confirmé à nos confrères le professeur Mike Meredith, de l’institut British Antarctic Survey.
S’agit-il pour autant du signe d’une progression de la crise climatique plus rapide que prévue ? Au cours des dernières décennies, les océans ont atténué en partie les effets des activités humaines sur le climat, en absorbant de grandes quantités de dioxyde de carbone de l’atmosphère et en stockant environ 90 % de l’énergie et de la chaleur ajoutés par les gaz à effet de serre. Mais certains scientifiques craignent que la capacité du milieu marin à absorber ces excès n’atteigne sa limite.
« Le taux [d’augmentation de la température] est plus élevé que ne le prévoient les modèles climatiques, confie le Pr Meredith au Guardian. « Ce qui est préoccupant, c’est que si cette tendance se poursuit, elle sera bien supérieure à la courbe climatique [prévue] pour l’océan. Mais nous ne savons pas encore si cela va se produire ».
Que va-t-il se passer avec le phénomène El Niño ?
Selon les climatologues, la Terre devrait connaître cette année un phénomène météorologique El Niño. « Au cours des trois dernières années, le Pacifique tropical s’est trouvé dans la phase opposée – La Niña – apportant des conditions plus fraîches. Avec la forte possibilité d’un épisode El Niño, nous pouvons nous attendre à ce que les températures de surface de la mer augmentent encore temporairement, ce qui aura un effet d’entraînement sur la température mondiale », prévoit Simon Good, expert en observation des océans au Met Office du Royaume-Uni, également joint par nos confrères.
Or, le réchauffement des océans est préoccupant à plus d’un titre. L’eau de mer plus chaude prend davantage de place, ce qui accélère l’élévation du niveau de la mer. Aux pôles, elle accélère la fonte des calottes glaciaires. Par ailleurs, les températures plus élevées nuisent aux écosystèmes marins, car toutes les espèces ne sont pas forcément en mesure de s’y adapter. L’un des exemples les plus emblématiques étant celui du corail qui, en eau chaude, expulse ses zooxanthelles, les précieux microorganismes qui contribuent à sa survie. Ce blanchissement peut conduire à sa mort.
Pour Mark Maslin, professeur de science du système terrestre à l’University College de Londres, la crise climatique est en train de s’installer sous nos yeux. « Les climatologues ont été choqués par les événements météorologiques extrêmes de 2021. Beaucoup espéraient qu’il ne s’agissait que d’une année extrême. Mais ils se sont poursuivis en 2022 et se produisent maintenant en 2023, constate-t-il. Il semble que nous soyons passés à un système climatique plus chaud, avec des événements climatiques extrêmes fréquents et des températures record qui constituent la nouvelle normalité. Il est difficile de comprendre comment quelqu’un peut nier que le changement climatique est en cours, et qu’il a des effets dévastateurs dans le monde entier. »