Officiellement, il est déclaré éteint. Sauf que l’analyse génétique d’un poil, appuyé par un témoignage oculaire, laisse penser que non, le tigre de Java n’a en fait sans doute pas disparu. L’annonce faite il y a un mois a obligé les autorités locales à réagir.
Hervé Poirier, rédacteur en chef au magazine scientifique Epsiloon, nous raconte qu’on a revu le tigre de Java, pourtant officiellement disparu.
franceinfo : Que s’est-il passé, ce tigre de Java en fait n’a pas tout a fait disparu ?
Hervé Poirier : Officiellement, cette sous-espèce de tigres a été déclarée éteinte, il y a 21 ans, par l’UICN, l’Union internationale pour la conservation de la nature. Sauf que l’analyse génétique d’un poil, trouvé en 2019 sur une clôture, appuyé par un témoignage oculaire, laisse penser que non.
Comparé avec l’ADN d’un spécimen conservé dans un musée et avec d’autres ADN de tigres – il y a neuf sous-espèces connues – le tigre de Java n’a en fait sans doute pas disparu. Il semble être ce que les biologistes appellent une »espèce Lazare », du nom de ce personnage biblique qui, à l’appel de Jésus, ressort vivant de sa tombe.
Et il y en a beaucoup des cas comme ça ?
Oui. Il y en a en moyenne trois par ans – mais rarement aussi prestigieux. Un autre zombie récent fameux : la tortue géante de Fernandina, considérée comme éteinte depuis une centaine d’années, qui a été revue sur une plage des Galapagos, en 2019.
L’UICN a finalement dû créer une sous-catégorie, les espèces « possiblement éteintes », qui contient 735 animaux. Comme le colobe rouge de Miss Waldron, un petit singe vu pour la dernière fois en 1978, mais dont les cris ont été entendus en 2008. Ou le canard à tête rose de Birmanie, peut-être réaperçu à la jumelle en 2004, 55 ans après sa dernière apparition.
Que faire face à ces revenants ?
À Java, les autorités locales ont relancé des programmes de recherche. Mais de telles annonces ne sont pas sans danger : la détection d’un rhinocéros de Sumatra en 2013, après trois décennies d’absence a relancé l’intérêt des braconniers.
Sachant que, d’un autre côté, déclarer à tort une espèce éteinte conduit à l’arrêt des mesures de conservation, et accélère la véritable disparition de l’animal – les chercheurs parlent entre eux de « l’effet Roméo », en référence à la tragédie où Roméo se suicide en se méprenant sur la mort de Juliette.
On peut vénérer une espèce éteinte – le tigre de Java est associé à la royauté, aux forces de la nature, au chamanisme et au culte des ancêtres. Mais une espèce qui passe du statut de « possiblement éteinte » à « en danger critique », il faut surtout la protéger. Car tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir : un petit oiseau néo-zélandais, le Petroica traversi, ne comptait que 5 individus dans les années 80 ; ils sont plus de 250 aujourd’hui.
Source France Info