Avertissement : si vous n’avez pas l’intention de lire cette chronique jusqu’au bout, signez la pétition ici : https://www.lpo.fr/la-lpo-en-actions/campagnes-de-plaidoyer/pour-une-nature-sans-plomb
Avoir du plomb dans la cervelle… Jamais une expression populaire n’aura été aussi contre-intuitive. Le plomb est un neurotoxique violent. C’est un fait établi scientifiquement. Il provoque des troubles réversibles (anémie, troubles digestifs) ou irréversibles (atteinte du système nerveux, encéphalopathie et neuropathie). L’intoxication par le plomb est appelée saturnisme, une maladie qui doit faire l’objet d’une déclaration aux autorités sanitaires. Le plomb présente également des effets sur la pression artérielle, sur la fonction rénale chez l’adulte ainsi que sur la reproduction et le développement de l’enfant et sur le système nerveux central (diminution de points de quotient intellectuel, troubles de l’attention) chez l’enfant, même à des faibles doses… Une fois dans l’organisme, le plomb se stocke, notamment dans les os, d’où il peut être libéré dans le sang, des années ou même des dizaines d’années plus tard notamment lors d’une grossesse ou en cas d’ostéoporose. L’élimination du plomb dans l’organisme est lente après l’arrêt de l’exposition : sa demi-vie est de 15 à 20 ans. Ce ne sont pas des collapsologues qui l’écrivent mais le ministère normalement en charge de la santé lui-même : https://sante.gouv.fr/sante-et-environnement/batiments/article/effets-du-plomb-sur-la-sante
C’est pourquoi le plomb a progressivement été interdit des usages professionnels et domestiques. Il a été banni dans les peintures pour les professionnels du bâtiment dès 1949. A cette occasion, les particuliers avaient été oubliés. Les petits enfants qui grattaient la peinture écaillée des logements insalubres en absorbaient. Ce n’est qu’en 1994 que la mise sur le marché pour les préparations destinées aux travaux de peinture contenant de la céruse ou des sulfates de plomb a été interdite.
Le décret du 5 avril 1995 a interdit la mise en place de canalisations en plomb dans les installations de distribution d’eau (réseaux de distribution publics et intérieurs). En outre, l’arrêté du 10 juin 1996 a interdit l’emploi de soudures contenant du plomb.
En mai 2023, la Commission européenne a adopté l’interdiction de l’utilisation et de la commercialisation du plomb dans les articles en polychlorure de vinyle (PVC) y compris dans les produits importés.
C’est le 1er janvier 2000 enfin que le plomb a disparu des carburants. Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) a annoncé la fin, en juillet 2021, du recours à l’essence au plomb dans le monde et ce, presque 100 ans après le début de l’utilisation du plomb-tétraéthyle comme additif à l’essence, en 1922.
https://sante.gouv.fr/sante-et-environnement/batiments/article/sources-d-exposition-au-plomb
Le plomb est dangereux pour la santé, c’est un fait établi. Il a enfin disparu de nos usages ? Que nenni : il se déverse encore et toujours des milliers de tonnes de plomb dans la nature, dans le sol et dans nos rivières. La chasse, le tir et la pêche larguent 8000 tonnes chaque année dans l’environnement rien qu’en France !
L’Union Française des Amateurs d’Armes (eh oui vous ne rêvez pas ça existe) publie un extrait d’un rapport sénatorial sur la pollution au plomb : « les chasseurs tirent chaque année de l’ordre de 250 millions de cartouches, tous tirs confondus, soit les trois-quarts pour la chasse et le quart pour le ball-trap. On compte 300 billes de plomb par cartouche, pour un poids d’environ 30 grammes, soit 6.000 tonnes de plomb pour les seuls tirs de chasse. En milieu naturel, une balle de plomb met de 30 à 200 ans pour être désagrégée et dissoute. En dépit de la masse -8.000 tonnes par an !- la dispersion des tirs en milieu naturel est telle que la chasse ne pose pas de problème (dixit les sénateurs…), ni sur l’environnement, ni sur la santé de la faune et de l’homme. A l’exception d’un cas : la chasse au gibier d’eau (canards colvert, sarcelles), pratiquée en France par 200 000 à 300.000 chasseurs ».
Mieux, une cartouche de 30 grammes avec des plombs de 10 contient plus de 1000 billes de plomb., alors que pour tuer un oiseau en théorie 5 plombs suffisent ! En Lozère, ils tirent les grives avec des cartouches de 53 gr alors qu’une cartouche de 28 gr suffirait… ça en dit long des quantités fixées dans les tissus des végétaux, dans la chair des animaux, dans le sol et l’eau !
https://www.armes-ufa.com/spip.php?article3138
Précisons que si l’utilisation du plomb est interdite depuis 2006 en France dans les zones humides et dans un rayon de 30 mètres autour, cette mesure est très difficilement applicable (il suffit d’avoir des cartouches de plomb dans une poche et d’acier dans l’autre en cas de contrôle). Du reste, une circulaire est venue limiter la portée de cette interdiction : « Toutefois la bande des trente mètres portant sur les fleuves, rivières, canaux, réservoirs, lacs, étangs, plans d’eau qu’ils soient d’eau douce, salée ou saumâtre, ne constitue pas une zone humide. Il s’agit seulement d’une dérogation destinée à faciliter la lisibilité de la chasse du gibier d’eau. Il n’y a donc pas lieu d’interdire aux chasseurs, en action de chasse sur des territoires qui jouxteraient, y compris à moins de trente mètres de leur bord, les fleuves, rivières, canaux, réservoirs, lacs, étangs, plans d’eau qu’ils soient d’eau douce, salée ou saumâtre, d’utiliser de la grenaille de plomb dès lors qu’ils ne tirent pas en direction de la nappe d’eau ou que la gerbe de plomb n’est pas susceptible de retomber dans l’eau. »
Le schéma de la fiche de l’ex ONCFS de 2012 sur les munitions en zone humide est très explicite sur la portée très relative de l’interdiction et surtout incontrôlable ! :
Petite anecdote sur le sujet : interrogé par la LPO lors des présidentielles de 2017, le candidat Macron promet la main sur le cœur que s’il est élu, il élargira l’interdiction de l’usage du plomb à tout le territoire national. Non seulement il ne le fait pas, mais lorsque la Commission Européenne réunit les pays membres pour proposer l’interdiction de l’usage du plomb dans les zones humides, la France… s’abstient ! Il faudra tout le poids de la LPO pour obtenir que le représentant français vote favorablement six mois plus tard.
6000 tonnes auxquels il convient de rajouter les 2000 tonnes de plombs provenant des ball-traps. Et les plombs de nos amis pêcheurs perdus en rivière et dans la mer (les plombs pas les pêcheurs).
Les scientifiques ne partagent pas l’avis des sénateurs et autres amateurs d’armes à feu sur l’impact de cette pollution massive qui dure depuis que la chasse au fusil existe. L’ANSES par exemple recommande aux femmes enceintes de ne pas consommer de la viande de sanglier sauvage tant ce fouisseur est farci de métaux lourds. L’ANSES recommande aux chasseurs eux-mêmes de ne pas abuser de viande de sanglier : https://www.anses.fr/fr/content/consommation-de-gibier-sauvage-agir-pour-r%C3%A9duire-les-expositions-aux-contaminants-chimiques
Les risques importants de saturnisme pour les grands rapaces ont déjà été mis en évidence. En 8 ans, 170 cadavres de rapaces nécrophages ont pu être étudiés dans le cadre de l’opération « Vigilance Poison / Pyrénées ». La principale cause de mortalité est l’intoxication soit par usage illégal de poison dans la majorité des cas, soit par saturnisme en seconde position. 17% des cas ont révélé des intoxications au plomb et de nombreux cas de contamination affectant l’état de santé des oiseaux ont été mis en évidence. Les oiseaux montrent une plus forte accumulation de plomb que les autres espèces, notamment dans le foie et les reins. Dans de nombreux cas de mortalité par traumatisme, électrocution et percussion, les rapaces victimes montrent aussi des niveaux de contamination au plomb non négligeables : le plomb est un neurotoxique qui peut affecter l’état de santé des oiseaux et causer leur mort. Le saturnisme détecté provient alors du plomb de la chasse ou utilisé pour la destruction des espèces que les chasseurs considèrent nuisibles, et ingéré « secondairement » par les rapaces. Ces oiseaux, indicateurs sensibles d’une pollution de l’ensemble de la chaîne trophique, témoignent ainsi à eux seuls des risques pour la santé humaine.
Les canards ne sont pas en reste : ils ingèrent la grenaille de plomb qu’ils prennent pour des cailloux susceptibles d’aider la digestion. Sur vingt études menées dans plusieurs zones humides en France, le pourcentage de canards trouvés avec au moins un plomb dans le gésier était en moyenne de 22 %, un chiffre qui ne prend pas en compte les oiseaux ayant déjà ingéré et dissous les plombs. En Camargue (Bouches-du-Rhône), la moyenne atteignant même 31,8 %. On comprend mieux le nom du canard de notre enfance, Saturnin !
Birdlife estime que le saturnisme dû à l’ingestion de munitions au plomb tue environ 75 000 oiseaux d’eau par an au Royaume-Uni et environ 1 million d’oiseaux d’eau dans l’UE, ainsi que des centaines de milliers de gibiers à plumes et de nombreux oiseaux de proie. Selon les rapports de l’ECHA, au moins 135 millions d’oiseaux sont exposés à un risque d’empoisonnement primaire dû à la grenaille de plomb, 14 millions d’oiseaux sont exposés à un risque d’empoisonnement secondaire dû à l’ingestion de grenaille de plomb ou d’autres projectiles en plomb, et sept millions d’oiseaux sont exposés à un risque dû à l’ingestion (empoisonnement primaire) de plombs et de lests de pêche.
Et le pire, c’est que les alternatives existent : il s’agit de l’acier et divers alliages de cuivre. De nombreux pays, dont les Etats-Unis, qu’on ne peut pas soupçonner d’avant-gardisme dans le domaine de l’environnement en 1991, ont banni le plomb dans les munitions de chasse.
L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) chargée par l’Union Européenne de mettre en œuvre la législation, estime pour l’Europe qu’une proposition d’interdiction de l’usage du plomb, englobant le tir, la chasse et la pêche “pourrait réduire les émissions de plomb de 72 % (soit environ 630 000 tonnes) en 20 ans par rapport à une situation sans restriction”.
L’Europe n’a pas abandonné, elle remonte son caillou de plomb tel Sisyphe. Un spécialiste de la question, Pascal Orabi, résume les principales étapes présentées par la Task Force de BirdLife Europe à venir comme suit :
« Au dernier trimestre 2024 un projet de restriction devrait être publié par la Commission avec le vote de la commission REACH au cours du 1er semestre, et l’examen par le Conseil et le Parlement au 2ème semestre, pour une adoption fin 2025. Une campagne de communication avec pétition est prévue cette fin de mois au niveau européen
Il est très peu probable que le projet soit soumis au vote lors de la première réunion à laquelle il est présenté car la Commission s’efforce toujours d’obtenir un résultat positif avant de soumettre le projet au vote. L’avis est rendu à la majorité qualifiée, qui requiert que les 2 points suivants soient remplis : 55% des états membres (15 sur 27), et les États membres représentant 65 % de la population totale de l’UE. Quelle que soit la décision prise par REACH, la Commission soumet ensuite sa proposition au Parlement et au Conseil.
Si une majorité positive se dégage au sein du Comité REACH, le Parlement examinera le projet pendant 3 mois. Une objection peut être proposée à la commission environnement au motif que « les mesures proposées par la Commission excèdent les compétences d’exécution prévues ou que le projet n’est pas compatible avec l’objectif ou qu’il ne respecte pas les principes de subsidiarité ou de proportionnalité » L’objection doit ensuite être votée par la commission environnement et en plénière pour être adoptée. En cas d’adoption, la Commission peut soumettre un projet modifié, présenter une proposition législative ou abandonner le dossier.
Pendant ces mêmes trois mois, le Conseil examine la proposition et peut proposer une objection pour les mêmes raisons que le Parlement. Il est néanmoins peu probable que le Conseil bloque une proposition que les États membres ont déjà approuvée dans REACH.
Si ni le Parlement ni le Conseil ne s’y opposent, la restriction est adoptée.
Si le Comité REACH n’obtient pas la majorité, le Conseil examine la proposition pendant 2 mois. Statuant à la majorité qualifiée, il peut s’opposer au projet. Dans ce cas, la CE peut soumettre un projet modifié ou présenter une proposition législative. Si le Conseil ne s’oppose pas au projet, la proposition est envoyée au parlement européen qui a 4 mois pour l’examiner. Le Parlement (statuant à la majorité) peut s’opposer au projet. Dans ce cas, la CE peut soumettre un projet amendé ou présenter une proposition législative. Si le Parlement ne s’oppose pas au projet, la restriction est adoptée par le Conseil ou par la Commission.
Pour finir, la Commission n’a pas encore publié sa proposition, mais on peut s’attendre à ce qu’elle ressemble à la recommandation de l’ECHA.
La proposition de la Commission comprendra probablement des dérogations et des périodes de transition. Les opposants à l’interdiction tenteront probablement d’obtenir des dérogations plus souples et des périodes de transition plus longues ».
Petit calcul mental pour les lecteurs de l’Echo des Terriers. Sachant que, en moyenne, 8000 tonnes de plombs de chasse et de tir sont jetées chaque année dans la nature, quel est le poids total de ce neurotoxique violent dispersé dans nos campagnes, forêts et rivières depuis 1945 ? A cela, n’oublions pas d’inclure les déchets et retombées des émissions des industries polluantes et le plomb tellurique qui exposent toujours de nombreux concitoyens à un risque non négligeable.
Avec une telle pollution par le plomb, on comprend mieux le nombre croissant de populistes décervelés (redondance et pléonasme) ! Vous aussi agissez, signez la pétition ici : https://www.lpo.fr/la-lpo-en-actions/campagnes-de-plaidoyer/pour-une-nature-sans-plomb
« Deux choses sont infinies : l’univers et la bêtise humaine. Mais, en ce qui concerne l’Univers, je n’en ai pas encore acquis de certitude absolue » (attribué à Albert Einstein).
« Les cons ça ose tout » le lundi : des agriculteurs de la FNSEA et Jeunes agriculteurs trouvent intelligent de déplacer, échanger, retourner les panneaux d’entrées des villes et villages pour dire qu’on « marche sur la tête ». Certes il n’y a pas « détérioration » ce qui exposerait ces agri-terroristes à une amende allant de 1 500 € à 75 000 € et à une peine d’emprisonnement maximale de 5 ans (articles 322-1 et suivants et R. 635-1 du Code pénal), mais potentiellement « mise en danger d’autrui » soit un an d’emprisonnement et 15.000 € d’amende https://www.largus.fr/actualite-automobile/panneaux-retournes-cette-pratique-est-elle-sans-risque-30031164.html. Sans compter les milliers d’heures que les fonctionnaires des DDT et des communes vont passer à remettre les panneaux à leur place au lieu de faire leur travail. Après rien de bien méchant ce sont des agriculteurs pas des écologistes !
« Les cons ça ose tout » le mardi : la cinquième session de négociations pour approuver un traité international contre la pollution plastique n’a pas abouti. Un groupe de pays producteurs de pétrole dont la Russie, l’Arabie saoudite et l’Iran ne souhaitaient pas la mise en place de réductions contraignantes. Les négociations doivent néanmoins se poursuivre en 2025. https://www.vie-publique.fr/en-bref/296324-traite-contre-la-pollution-plastique-echec-des-negociations
« Les cons ça ose tout » le mercredi : un chasseur Suisse tue des lynx qu’il a pris pour des loups https://www.msn.com/fr-fr/actualite/france/c-est-du-d%C3%A9lire-un-chasseur-abat-trois-lynx-croyant-tuer-des-loups/ar-AA1uYMe1?ocid=msedgntp&pc=LCTS&cvid=521f399d0a68422083785adb67eb487d&ei=34
Et plus grave encore, le Comité permanent de la Convention de Berne décide de déclasser le loup à la demande de la France https://www.lpo.fr/qui-sommes-nous/espace-presse/communiques/cp-2024/declassement-du-loup-un-choix-demagogique-qui-n-apporte-aucune-solution
« Les cons ça ose tout » le jeudi : Intermarché vend des girolles dans un bac plastique en provenance de Lituanie
« Les cons ça ose tout » le vendredi : sous la pression du lobby agricole et chimique, la ministre de l’agriculture annonce le renoncement à des normes environnementales qui protègent la santé des citoyens https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/agriculture/pesticides-office-biodiversite-la-ministre-de-l-agriculture-devoile-une-serie-de-mesures-de-simplification_6928355.html et https://www.actu-environnement.com/ae/news/agriculture-simplification-autorisations-phytosanitaires-ofb-eau-nitrates-45162.php4#ntrack=cXVvdGlkaWVubmV8MzY2NA%3D%3D[NDExODE0]
« Les cons ça ose tout » le samedi : je me fais traiter « d’abruti » pas des motards tout terrain à qui j’explique gentiment qu’ils n’ont pas droit d’emprunter un chemin de randonnée, non motorisé, au cœur du Parc naturel régional des Monts d’Ardèche, sur le domaine dudit PNR….
« Les cons ça ose tout » le dimanche : https://www.lechasseurfrancais.com/a-letranger/que-faire-des-sangliers-et-pourquoi-pas-les-mettre-au-menu-des-cantines-101347.html Réponse parce ce qu’ils sont truffés de métaux lourds !
« Les cons ça ose tout » toute la semaine : des agri-terroristes ont attaqué les locaux et menacé les salariés de FNE et de la LPO dans plusieurs départements
Les blaireaux passent à l’attaque ! : https://youtu.be/EllYgcWmcAY?feature=shared