En cinquante ans, le champignon Batrachochytrium dendrobatidis a provoqué le déclin de 501 espèces d’amphibiens. 90 d’entre elles sont potentiellement éteintes.
Les amphibiens ne sont pas à la fête. Menacés au choix par la destruction de leur habitat, les pesticides ou le changement climatique, les grenouilles, crapauds, tritons et autres salamandres sont aussi victimes d’une maladie infectieuse, la chytridiomycose, provoquée par un champignon aquatique, à l’origine selon les scientifiques de la disparition de dizaines d’espèces à travers le monde, plus particulièrement dans les Amériques et en Australie. Cette épidémie mortelle, facilitée par la globalisation des échanges, a fait l’objet d’une série d’articles dans la revue Science la semaine passée. Le biologiste canadien Dan A. Greenberg, doctorant à l’université Simon-Fraser, en Colombie-Britannique, est l’un des auteurs de ces travaux. Il décrypte pour Libération l’ampleur de cette crise pour la biodiversité des amphibiens et des solutions à mettre en œuvre.
Quand a-t-on observé pour la première fois cette maladie chez les amphibiens ?
Le déclin des populations d’amphibiens lié à la chytridiomycose aurait débuté dans les années 60 ; mais il s’est accéléré dans les années 80. Cette maladie infectieuse est provoquée par un champignon, Batrachochytrium dendrobatidis (Bd) qui n’a été découvert qu’en 1998.
Quelle est l’ampleur de la menace pour la biodiversité des amphibiens ?
Les principaux résultats de Ben C. Scheele [écologue à l’université nationale australienne de Canberra, ndlr] indiquent qu’au moins 501 espèces d’amphibiens [soit 6,5 % du total d’espèces de grenouilles et salamandres décrites par les scientifiques à ce jour]sont en déclin et que 90 sont potentiellement éteintes à l’échelle du monde à cause de la chytridiomycose. Cela fait duBatrachochytrium dendrobatidis l’agent pathogène le plus destructeur jamais identifié pour la biodiversité.
Le déclin des populations d’amphibiens attribué à la chytridiomycose continent par continent. Photo Anaxyrus boreas, C. Brown, U.S. Geological Survey; Atelopus varius, B.G.; Salamandra salamandra, D. Descouens, Wikimedia Commons; Telmatobius sanborni, I.D.l.R; Cycloramphus boraceiensis, L.F.T.; Cardioglossa melanogaster, M.H.; and Pseudophryne corroboree, C. Doughty
Comment protéger et à conserver ces animaux face à cette crise ?
Les options sont peu nombreuses. La plus évidente est d’empêcher la propagation de Batrachochytrium dendrobatidis en imposant des restrictions sur le commerce d’importation des amphibiens – ce qui a été récemment mis en place pour les salamandres aux Etats-Unis et au Canada. Mais cela ne sera efficace que dans certains cas. Notre principal espoir est que les espèces locales s’adaptent en devenant plus résistantes ou tolérantes à l’infection. Les autres menaces qui pèsent sur les amphibiens comme la dégradation de leur habitat ou le changement climatique, induisent des choix clairs, notamment la protection des forêts et des zones humides ou la mise en place de restrictions dans l’exploitation forestière.
Florian Bardou/Libération, 3 avril
photo : Une salamandre se promène sous la pluie, le 29 mars 2005 dans un sous-bois à Rennes. Photo Valery Hache. AFP