Les chasses traditionnelles d’oiseaux : du plomb dans l’aile mais de l’or dans les sondages

Suspendues, autorisées, puis de nouveau suspendues… En matière de chasses traditionnelles d’oiseaux, un consensus semble plus que jamais difficile à trouver entre les chasseurs, les ONG, le Conseil d’État et le gouvernement.

C’est un bras de fer qui n’en finit plus. Le 15 octobre, le gouvernement autorisait certaines chasses traditionnelles d’oiseaux dans cinq départements du sud-ouest de la France. Dix jours plus tard, le Conseil d’État suspendait les arrêtés à la suite de recours déposés dans la foulée par La Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) et l’ONG One Voice. La décision, prise en urgence, doit encore faire l’objet d’un jugement de fond, au grand dam des chasseurs qui voient en attendant leur activité de nouveau suspendue.

Le Conseil d’État a émis « un doute sérieux » quant à « la légalité » des arrêtés déposés par le gouvernement. Il estime qu’ils contreviennent à la directive européenne « oiseaux » de 2009, qui interdit les méthodes de capture non sélectives, c’est-à-dire celles où des espèces autres que celles visées peuvent être attrapées. Les textes autorisaient par exemple la chasse à l’aide de filets ou de cages.

Le Conseil d’État avait déjà rendu un avis similaire en août dernier concernant les arrêtés de l’année précédente. Mais le gouvernement avait acté son désaccord. Des dérogations peuvent être obtenues s’il n’existe pas d’autres solutions satisfaisantes, a appuyé le ministère de la Transition écologique, qui a signalé une absence d’alternatives et a justifié de « faibles quantités » d’oiseaux tués par ces chasses. Un quota « ne dépassant pas 1% de la mortalité naturelle annuelle des populations des espèces concernées » a assuré par mail la Fédération Nationale des Chasseurs (FNC)

Protection des espèces

Pour la Ligue de Protection des Oiseaux, c’est déjà trop. Plus de 110 000 oiseaux étaient concernés par les nouveaux arrêtés dont 1 200 vanneaux huppés, 5 800 grives et 106 500 alouettes des champs. « Ce ne sont pas toujours de petites quantités, accuse Yves Verilhac, directeur général de la LPO. 200 000 alouettes sont déjà chassées au fusil [ …], et c’est une population qui a perdu 30% de ses effectifs en 15 ans » alerte le membre de la Ligue.

Le député LREM de la Nièvre, Patrice Perrot, membre du groupe « chasse, pêche et territoires » à l’Assemblée nationale, appelle au compromis. « J’ai moi-même été chasseur et je ne prendrais pas mon fusil pour tuer une alouette. Mais il y a des traditions autour de cet oiseau, explique le député. Posons-nous autour d’une table, baissons si besoin les quotas de prélèvement. Les chasseurs savent très bien le faire. Il faut discuter et cesser de faire appel à chaque fois à la justice. Ces postures apportent des tensions insupportables dans les territoires » a-t-il déploré.

Protection des voix

A quelques mois des élections présidentielle, cette volonté de réautoriser ces chasses traditionnelles en dépit de l’avis du Conseil d’État relève du « cynisme électoral » selon la Ligue de Protection des Oiseaux. « L’unique objectif d’Emmanuel Macron étant d’amadouer les chasseurs à l’approche des présidentielles en échange de la garantie que leur Fédération nationale ne soutiendra pas officiellement l’un de ses principaux rivaux ouvertement pro-chasse : Xavier Bertrand » estime la Ligue dans un communiqué.

Les liens qui unissent les chasseurs à Emmanuel Macron ne sont pas récents. Dès son élection en 2017, le président de la République avait été épinglé sur les réseaux sociaux pour avoir participé à des tableaux de chasse à Chambord. La présence d’un lobbyiste lors d’une réunion consacrée à la réforme de la chasse avait été l’un des éléments avancés par Nicolas Hulot, alors ministre de la Transition écologique, pour justifier sa démission en 2018. Au cours de ce rassemblement, les chasseurs avaient par exemple obtenu la division par deux du prix du permis de chasse (de 400 à 200 euros). Le président de la FNC, Willy Schraen a admis au micro de Sud Radio le 1er novembre qu’Emmanuel Macron avait fait durant son quinquennat « des choses pour la chasse qu’aucun président n’avait fait jusqu’à présent ».

Source : GEO

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