Depuis plusieurs semaines, on n’entend plus parler que de lui : le phénomène El Niño. Souvent associé à un courant marin, il représente en réalité un phénomène climatique caractérisé par une augmentation anormale de la température des eaux du Pacifique-Est, le long des côtes de l’Amérique du Sud. Un bouleversement régional qui a de graves répercussions jusqu’à l’autre bout du monde.
Ainsi, El Niño apporte par exemple un climat plus sec que d’ordinaire en Indonésie et en Océanie, ce qui peut entraîner sécheresses et incendies. En Amérique du Sud, il amène au contraire un air plus chaud et chargé en humidité, engendrant de très fortes précipitations dans des régions habituellement peu pluvieuses. Avec pour conséquence d’importantes inondations. Quant à l’Inde, ses moussons – dont dépendent grandement les productions agricoles – sont moins abondantes.
Ce phénomène, qui signifie « petit garçon » en espagnol, entraîne par effet domino de fortes répercussions sociétales et économiques, très préjudiciables pour les humains. Mais qu’en est-il des conséquences pour les animaux ? Selon le Dr William B. Karesh, membre du groupe de travail sur la faune et la flore sauvages et vice-président exécutif chargé de la santé et de la politique à EcoHealth Alliance, interrogé par l’Organisation mondiale de la santé animale, les répercussions sont désastreuses.
« Les conditions météorologiques affectent la santé des animaux à la fois directement, avec les températures extrêmes et la disponibilité de l’eau (sécheresses et inondations), et indirectement, avec des changements dans la disponibilité des ressources nutritionnelles et alimentaires, l’abondance des vecteurs, et la surpopulation animale, la dispersion ou le déplacement des animaux, souligne-t-il. Les conditions météorologiques extrêmes peuvent entraîner la déshydratation et la malnutrition des animaux sauvages et domestiques, ainsi qu’une augmentation des maladies à transmission vectorielle telles que la fièvre de la Vallée du Rift, la fièvre jaune et le paludisme. »
Le scientifique insiste notamment sur les risques de transmission de maladies entre espèces domestiques et sauvages, voire même aux humains. Ces risques augmentent considérablement, notamment en cas de sécheresse, car les animaux se concentrent au niveau des points d’eau.
« Lorsque des sécheresses sont prévues, l’accès à l’eau peut rapprocher le bétail et la faune sauvage. Cela a pour effet d’augmenter la transmission de maladies du bétail à la faune sauvage ou de réduire l’accès sécurisé à l’eau pour cette dernière. L’accès à l’eau pour les personnes, le bétail et la faune sauvage peut être sujet de discussions et de planifications en impliquant les parties prenantes et les autorités compétentes », indique-t-il.
« Les changements prévus de la température des océans ont des effets prévisibles sur les populations de poissons et les pêcheries, et entraînent des répercussions sur les stocks de nourriture pour les oiseaux et les mammifères marins. Les quotas de pêche doivent être ajustés pour éviter l’épuisement des stocks de poissons et la famine de la faune sauvage. »
Quelles solutions pour préserver les animaux face à El Niño ?
Mais selon William B. Karesh, il existe quand même des solutions pour venir en aide aux animaux. Il conseille ainsi aux services de santé animale et aux services environnementaux d’anticiper les effets d’El Niño, afin d’aider au mieux les espèces se trouvant dans la zone sur le point d’être frappée par le phénomène.
« La première étape consiste à examiner les effets des épisodes précédents au niveau local ou régional concerné et à adapter les plans de préparation et d’atténuation aux changements prévus, tels que l’augmentation ou la diminution des précipitations. Cette compréhension des impacts potentiels peut ensuite être utilisée pour élaborer des plans pertinents au niveau local et pour impliquer les agences de premier plan et les parties prenantes de la communauté dans la planification et la préparation, ainsi que pour concevoir des stratégies de communication à l’intention de différents publics », indique-t-il.
Avant de détailler : « Les activités peuvent consister à garantir la disponibilité des équipements d’intervention et des stocks de fournitures, à assurer une remise à niveau du personnel, à planifier la disponibilité de l’eau ou la lutte contre les inondations, à établir des plans d’urgence pour la disponibilité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux et des chaînes d’approvisionnement, à mettre en place des capacités d’intervention en cas d’apparition d’un foyer ou de mortalité, etc. ».
Source GEO