L’extinction de masse de la biodiversité sur Terre pourrait finalement être la septième – et non la sixième

Les scientifiques l’appellent la « faune d’Ediacara », du nom de collines au sud de l’Australie où elle a été découverte à partir de 1946. Il s’agit de fossiles d’animaux visibles à l’oeil nu et vieux de 550 millions d’années, formant une exceptionnelle biodiversité. Il faut imaginer la scène qui s’est « imprimée » dans les sédiments : d’étranges « pétalonamides » au corps en forme de plumes côtoyaient les Kimberella, semblables aux limaces actuelles, alors que flottaient déjà les ancêtres des méduses (Cnidaires).

Mais lorsque l’on compare cette riche faune d’Ediacara au « registre fossile » (ensemble des fossiles connus) daté de seulement 10 millions d’années plus tard, le tableau change du tout au tout : 80 % des espèces ne sont pas retrouvées. Qu’a-t-il pu se passer entretemps ?

Plusieurs hypothèses ont été envisagées. Par exemple, les trilobites – des arthropodes marins au corps recouvert d’une « armure » – auraient pu entrer en compétition avec les autres espèces jusqu’à pousser ces dernières à l’extinction. Ou alors, les conditions propices à la formation de fossiles – température et pression permettant de préserver jusqu’à nos jours les coquilles et d’autres restes d’animaux morts – ont temporairement cessé d’être réunies, ce qui aurait pu donner l’illusion que la faune avait disparu.

La première extinction de masse de l’histoire terrestre ?

Autre possibilité : une extinction de masse aurait sévi sur l’ensemble de la planète. Une hypothèse qui vient de recevoir un sérieux « coup de pouce », si l’on peut dire, avec une nouvelle étude publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (11/2022). D’après ses auteurs, la toute première crise d’extinction de masse sur Terre aurait eu lieu il y a 550 millions d’années (Ma). Actuellement, les cinq crises majeures de la biodiversité universellement reconnues sont les suivantes :

  • La crise de l’Ordovicien-Silurien (-440 Ma)
  • La crise du Dévonien (-365 Ma)
  • La crise du Permien-Trias ou « grande extinction » (-250 Ma)
  • La crise du Trias-Jurassique (-210 Ma) ;
  • La crise du Crétacé (-66 Ma) qui a vu notamment l’extinction de tous les dinosaures (hormis les ancêtres des oiseaux).

L’équipe, menée par l’Américain Scott Evans, chercheur en post-doctorat à l’Institut polytechnique et université d’État de Virginie (Virginia Tech), a compilé une base de données de fossiles datés de 550 millions d’années et déjà décrits dans la littérature scientifique, avant de trier chaque spécimen en fonction de différents facteurs (lieu, taille, mode d’alimentation, etc.). Au total, 70 genres d’animaux ont été recensés, dont seulement 14 étaient encore retrouvés une dizaine de millions d’années plus tard.

Dans leur analyse, les auteurs n’ont pas remarqué de changements significatifs concernant les conditions nécessaires à la préservation des fossiles, ni même de différences dans les modes d’alimentation entre les genres « disparus » et les « survivants » – mettant ainsi à mal les deux autres hypothèses évoquées plus haut.

En revanche, les chercheurs ont mis en évidence une tendance marquante. « Nous avons examiné le modèle de sélectivité – quels (organismes) ont disparu, lesquels ont survécu et lesquels ont prospéré par la suite« , explique le Pr Shuhai Xiao, géobiologiste à Virginia Tech et co-auteur de l’étude, cité par LiveScience. « Il s’avère que les organismes qui ne pouvaient pas faire face à de faibles niveaux d’oxygène ont été sélectivement éliminés. »

Survivre à la baisse du taux d’oxygène

Ainsi, l’ensemble des êtres vivants qui ont survécu avaient tous un point commun : leur corps se caractérisait par un rapport surface/volume élevé – une caractéristique dont on sait qu’elle aide les animaux à résister à des conditions de faible teneur en oxygène. Cette observation, associée à des preuves géochimiques d’une diminution de l’oxygène il y a 550 millions d’années, suggère que « l’Édiacarien » (période géologique associée à la faune d’Ediacara) a pu s’achever avec une extinction de masse provoquée par une faible disponibilité de l’oxygène dans l’océan.

Néanmoins, l’étude ne conclut pas quant à la cause de cette chute du taux d’oxygène. L’auteur principal évoque auprès de LiveScience la piste des éruptions volcaniques, celle de mouvements au niveau des plaques tectoniques, ou encore, d’éventuels impacts d’astéroïdes. Sans exclure une explication moins « spectaculaire », telle qu’une modification des quantités de nutriments dans les océans – ce qui se rapprocherait, toutes proportions gardées, d’un phénomène observé de nos jours.

En effet, l’agriculture à base d’engrais synthétiques et le déversement des eaux usées relâchent d’importantes quantités de nutriments – en particulier du phosphore et de l’azote – dans les écosystèmes marins et fluviaux. Ces rejets engendrent une prolifération des algues, qui étouffent les milieux en consommant tout l’oxygène disponible, créant ce que les scientifiques appellent des « zones mortes ». « Cette étude nous aide à comprendre (quelles peuvent être) les répercussions écologiques et géologiques à long terme des épisodes de carence en oxygène« , commente le Pr Xiao.

Destruction des habitats naturels et réchauffement climatique

Mais la pollution n’est pas la seule cause de la crise actuelle, qualifiée de « sixième extinction de masse » par certains chercheurs – et qu’il faudra donc peut-être désormais qualifier de « septième extinction de masse », si les résultats de l’équipe américaine venaient à être confirmés. De nos jours, les principaux facteurs de déclin de la biodiversité ne sont autres que la destruction des habitats naturels (au profit des villes, des pâturages pour le bétail et des champs agricoles), suivie de près par la surexploitation des ressources naturelles et par le braconnage.

Le réchauffement climatique – engendré par les gaz à effet de serre émis principalement par l’usage humain de l’énergie fossile – est appelé à devenir une cause majeure d’extinction des espèces animales et végétales, selon le WWF, dont l’Indice Planète Vivante (IPV) a mis en évidence une perte de 69 % des populations (en effectif et non en nombre d’espèces) de vertébrés sauvages – poissons, oiseaux, mammifères, amphibiens et reptiles – entre 1970 et 2018 (WWF, 2022).

Source GEO

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