« Il m’est arrivé de soutenir Emmanuel Macron. J’ai pensé, en 2017, qu’il était le seul capable de nous éviter le facho-populisme. J’ai apprécié que ce candidat se proclame européen avec le sourire, sans la moue de dégoût qu’on voit sur le visage de trop de politiciens.Malgré de bonnes décisions, prises par exemple à Notre-Dame des Landes, sur le glyphosate ou les néonicotinoïdes (avant de regrettables retours en arrière pour ces poisons), et malgré des discours à tonalité « verte » sur la transition énergétique, l’écologie macronienne n’est pas sortie de l’œuf. Elle ne semble pas devoir éclore à brève échéance.Il est, hélas, un domaine d’importance capitale où le chef de l’État me navre : celui de la vie sauvage, de cette biodiversité dont il prononce le nom sans le comprendre… Je suis désolé de devoir écrire qu’Emmanuel Macron ne connaît rien à la nature, une lacune qu’hélas, nombre de nos concitoyens partagent. Et qu’il s’en moque, ce qui est plus grave… Notre Président paraît n’éprouver ni compassion pour les animaux et les plantes, ni respect pour ces écosystèmes dont dépendent notre air, notre eau et notre terre, et qui conditionnent notre nourriture, nos espaces de balade ou notre simple plaisir de vivre.Emmanuel Macron reçoit en pompe élyséenne le patron de la Fédération Nationale des Chasseurs (la FNC), Willy Schraen. Ce conducator des pétoires affirme à qui veut l’entendre que le Président lui accorde tout. J’ai peur que notre Président ne soit, en effet, entré dans le jeu pervers des semeurs de cartouches, lesquels voudraient imposer l’idée qu’ils incarnent les meilleurs (les seuls !) protecteurs de la nature. Non, monsieur le Président : les chasseurs ne jouent aucun rôle écologique utile : ce sont des accapareurs de gibier, assez souvent des « viandards », parfois des braconniers. Non, monsieur le Président : les tireurs de petits plombs, de chevrotines ou de balles grosses comme le doigt ne savent à peu près rien de la vie des êtres sur lesquels ils braquent le canon, et dont ils se prétendent éclairés « gestionnaires » !Emmanuel Macron me devient une énigme. Je me demande comment un esprit comme le sien, pétri de philosophie et de littérature, connaissant quand même un peu de science, capable de saisir la finesse et les nécessités de la vie sous toutes ses formes, peut cautionner la boucherie chasseresse, et notamment l’ignominie moyenâgeuse que constitue la chasse à courre – avec ses costumes de sanglant carnaval et ses cors qui sonnent l’hallali du cerf ou du renard épuisés… La Grande-Bretagne, l’Allemagne et la plupart des pays ont interdit cette sinistre pratique, qui occupe, chez nous, quatre cents équipages et dix mille participants. Emmanuel Macron aurait confié à Willy Schraen qu’il était « solidaire et défendait toutes les valeurs de la chasse française », et qu’il désirait « soutenir la globalité de ce qui se passe au niveau de la ruralité en matière de chasse, et la chasse à courre en fait partie ». Je déplore la myopie de cet homme d’apparence jeune et moderne, et qui se conduit ici comme un survivant des âges barbares, en se fichant du martyre infligé à des êtres vivants au seul prétexte qu’il existe une tradition de sadisme chez les tueurs ! En changeant d’uniforme sur cette question, le Président gagnerait bien davantage d’électeurs chez les amis de la vie qu’il n’en perdrait chez les obsédés de la mort.En France, les chasseurs sont aujourd’hui à peine plus d’un million, et leurs effectifs ne cessent de chuter. Pourquoi leur offrir des crédits nationaux grâce auxquels ils peuvent abaisser le prix du permis de 400 à 200 euros ? Pourquoi tolérer que ces individus entrent dans les écoles et y propagent jusque dans le cerveau des enfants le virus du plaisir de faire souffrir autrui ? Pourquoi permettre aux massacreurs à cartouchière d’adapter un silencieux sur leur arme, sachant que, s’ils abattent chaque année plus de 30 millions d’animaux, ces individus causent aussi plusieurs dizaines de morts humaines et des centaines de blessés, sans oublier d’autres victimes chez les ânes, les vaches ou les chiens ? Pourquoi cautionner la survie des piégeages dits « traditionnels » aux petits oiseaux (tenderie, gluau…), et qui ne sont que barbarie forestière ? Pourquoi désirer rétablir les « chasses présidentielles » à Chambord – ces massacres de cerfs ou de sangliers aux fins diplomatiques douteuses ? Pourquoi concéder au patron des chasseurs de France le fait que l’État accroîtra les périodes de chasse au gibier d’eau, et notamment qu’il prolongera jusqu’en février (contre le vœu du Parlement européen) la traque aux oies sauvages ?Les oies sauvages, monsieur le Président ! Ces merveilles du ciel seraient tirées en pleine période de formation de leurs couples reproducteurs… Souvenez-vous de vos lectures d’enfant, du Merveilleux voyage de Nils Holgersson sur le dos d’un jars… Ne préférez-vous pas ce rêve d’harmonie au fracas des fusils ?Il est une autre façon de vous racheter aux yeux de la nature et des naturalistes, monsieur le Président. Elle consiste à démontrer que vous vous préoccupez de la biodiversité au point de favoriser la survie de nos grands prédateurs. C’est le moment ! Aidez les vrais acteurs de la protection de la nature à conserver ces perfections animales qu’on appelle le lynx, le loup ou l’ours brun ; dans nos DOM-TOM, le requin-tigre ou le requin-bouledogue ; sans oublier le renard, les rapaces et tous les autres de moindre taille… Dites « non » au massacre de ces carnivores à la fois sublimes et nécessaires ! Supprimez les insupportables quotas d’extermination des loups que vous cautionnez année après année ! Faites réintroduire bien d’autres ours dans les Pyrénées (et demain dans les Alpes !), afin de constituer dans nos montagnes des populations de plantigrades suffisante à la survie de cette espèce… Un trésor génétique. Et un bonheur pour nos campagnards, nos randonneurs, nos naturalistes, nos artistes, nos cinéastes, nos poètes – et nos enfants jusqu’à cent ans !Monsieur le Président, quittez le vieux monde de la chasse et du sang ! Rangez-vous du côté de la Vie et du Beau ! »
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