Ce dimanche 28 janvier, ma course à pied est soudain interrompue par un message inquiétant – « Chasse en cours » – qui me barre le chemin à l’entrée des bois :
L’oxygène étant mobilisée pour d’autres fonctions plus mécaniques, mon cerveau se remet doucement en route. Celui qui me prévient est a priori bien intentionné, ce ne peut pas être lui qui me menace.
M’avertie-t-il que je m’apprête à traverser une autoroute à sangliers et que je risque de me faire renverser ? « s’il y a deux bêtes noires, c’est sans doute pour me prévenir qu’un sanglier peut en cacher un autre »
Arrêté devant le panneau, mon corps se refroidit vite et mon cerveau redémarre lentement. Il n’y a qu’un seul chemin qui s’enfonce dans des châtaigneraies plus ou moins entretenues, et des taillis. Dois-je prendre le risque de continuer ou pas ? Ma responsabilité est engagée. Si ça se termine mal ce sera de ma faute, on m’avait prévenu.
Même s’il y a déjà quelques années que je ne cours plus à quatre pattes, je m’en veux d’avoir enfilé un collant noir et endossé un tee shirt de la même couleur. Comme pour renforcer mes craintes, trois coups de feu éclatent à une distance que je ne saurais évaluer….
« Ensemble soyons vigilants ». Cette affirmation, a priori de bon sens, me plonge dans des abysses de perplexité. Etre vigilant avec un fusil dans les mains, je vois bien : mieux vaut attendre d’être bien certain d’avoir à faire à un sanglier avant de tirer. Mais être vigilant quand on est armé d’un collant, d’un tee-shirt et d’une paire de chaussures, ça se traduit comment ? De ma rapidité à adapter mon attitude dépend ma survie. Ce n’est pas rien !
J’étais parti pour me faire du bien, profiter des paysages, redécouvrir les bonnes sensations, pas pour me faire peur en jouant à la roulette russe. Le plus sage serait de faire demi-tour. Malgré tout c’est mon parcours habituel. Avec de belles perspectives si j’arrive à passer la zone à risques. Bon je tente ma chance, avec vigilance.
Avec vigilance, c’est-à-dire en suivant les conseils du panneau : il me faut courir vite, plus vite qu’un sanglier. Plus vite qu’une balle perdue. Du reste peut-être est-il plus sage de zigzaguer dans le même temps. Chaotique, pentu, le chemin se charge de me calmer. Lorsque j’arrive enfin à retrouver mon souffle, je tente une nouvelle stratégie : je chante ! Ou plutôt je déclame. Brassens. La chasse aux papillons.
Cette cohabitation heureuse entre les chasseurs et autres usagers de la nature, n’est pas le fruit du hasard. Elle est le résultat d’accords de partenariats entre la Fédération nationale des chasseurs (FNC), l’Etat et quelques Fédérations nationales de sports de nature telles la Fédération Française de Randonnée Pédestre ou Moutain Biker.
Et bien sûr c’est un hasard si les dites associations de sports de nature reçoivent de l’argent de la part des chasseurs (où plutôt des contribuables s’agissant de l’écocontribution, un fonds abondé de 10M€ chaque année par l’Etat).
L’extension des possibilités de battues administrative autorisent désormais la chasse jusqu’au mois de juin inclus (et oui un autre cadeau du gouvernement), en pleine période de nidification des autres espèces et d’activités de randonnées pédestres.
Revenons donc à notre course à pied car il n’y a rien de plus stressant qu’un avertissement qui ne vous donne pas la solution pour s’en sortir, la bonne attitude à adopter.
Les sangliers et moi-même nous étant réunis en urgence, j’ai le grand plaisir de vous informer que nous avons trouvé une solution pour le plus grand bonheur des randonneurs, coureurs, cavaliers, naturalistes et autres vététistes : il suffit de se doter d’une corne pour annoncer la fin de la battue. Moins de 15 €. A accrocher à sa gourde à eau ou à mettre dans son sac à dos. J’aimme particulièrement le titre de ce site « Camoufle toi » : https://www.camoufletoi.fr/appeau/13440-pib-14-cm-chasse-metal-ligne-verney-carron.html?bt_product_attribute=50347&gclid=EAIaIQobChMIgbu-4dSEhAMVsotoCR27kwmlEAQYASABEgIlbvD_BwE#/1514-couleur-metal/2-taille-taille_unique
Trois coups longs vous ouvriront la voie en stoppant derechef la battue en cours pour vous laisser passer. Car aucun texte n’interdit, pour le moment, de claironner dans les bois.