A rebours des annonces et des engagements des gouvernements successifs depuis une décennie, le recours aux pesticides poursuit, inexorablement, sa croissance. Les derniers chires du ministère de l’agriculture, publiés mardi 7 janvier, indiquent que le nombre de doses unités (NODU) de pesticides – indice de l’intensité du recours à ces produits – utilisées en France en 2018 a crû de 24 % par rapport à 2017.
Une telle hausse, spectaculaire, n’avait jamais été enregistrée depuis la mise en place de cet indicateur, en 2008, dans le cadre du premier plan Ecophyto. Instauré à l’issue du Grenelle de l’environnement, il devait permettre de réduire de moitié l’usage des pesticides en France en dix ans. L’objectif n’a pas été atteint, ni même approché : loin d’avoir baissé, l’usage des pesticides en France a, au total, grimpé de 25 % au cours de la dernière décennie. Malgré deux nouveaux plans (Ecophyto II en 2015, puis Ecophyto II + en 2019), la cible intermédiaire d’une baisse de 25 % en 2020 devrait être ratée. Et celle de 50 %, malgré son report à 2025, semble toujours hors de portée.
« Gouvernement atone »
« Il faut se rendre à l’évidence : la politique mise en œuvre depuis désormais plus de dix ans ne produit pas les résultats espérés, dans le secteur agricole, a réagi la ministre de la transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne. Ceci doit nous conduire à réinterroger, en profondeur, cette politique. »
Générations futures, association qui lutte contre les pesticides, dénonce « l’échec total du plan Ecophyto » et demande « une évolution radicale ». Son président, François Veillerette,
détaille : « Le plan Ecophyto doit imposer des objectifs de réduction par culture et par région, décroissants dans le temps année après année, qui soient contraignants et dont le non- respect déclenche des sanctions, notamment « nancières. Il faut un sursaut de la part du gouvernement pour sortir en »n l’agriculture française de sa grande dépendance aux pesticides de synthèse. » « Alors que ces chiffres devraient appeler à une profonde remise en question et à un sursaut historique, le gouvernement reste atone », dénonce de son côté la Fondation Nicolas Hulot.
Selon un communiqué commun des quatre ministères impliqués (santé, recherche, agriculture et environnement), « cette évolution paraît liée à une anticipation des achats en « n d’année 2018, en prévision de l’augmentation de la redevance pour pollution diuse qui [a taxé] les substances les plus préoccupantes au 1er janvier 2019 ». Le gouvernement se félicite néanmoins de la baisse, de l’ordre de 10 % entre les périodes 2009-2011 et 2016-2018, des quantités vendues de substances les plus préoccupantes, dites cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR).
L’Union des industries de la protection des plantes (UIPP), qui rassemble les fabricants de produits chimiques utilisés en agriculture, a pris de vitesse la communication ocielle du ministère en publiant ses propres statistiques, le 7 janvier en « n de matinée. Celles-ci dièrent singulièrement des chires ociels. L’UIPP annonce une hausse de seulement 8 % des tonnages de matières actives vendues en 2018, par rapport à 2017, alors que les chires du ministère révèlent une hausse de 21 % du même indicateur, qui ne tient compte que de la quantité de pesticides utilisés.
Pourquoi une telle diérence ? « Nos données sont les ventes des « rmes adhérentes à l’UIPP », déclare Eugénia Pommaret, directrice générale de l’organisation, alors que les chires du ministère « compilent les données de vente des distributeurs ». « Il peut y avoir un décalage dans le temps, je n’ai pas d’autre explication », ajoute-t-elle. « En vingt ans, les quantités de matières actives utilisées ont baissé de façon spectaculaire, ajoute l’UIPP dans un communiqué. En 1999, environ 120 000 tonnes ont été achetées par les distributeurs, contre 68 000 tonnes en 2018. » Là encore, ces estimations sont très diérentes des chires ociels, selon lesquels 85 876 tonnes de matières actives ont été vendues en France en 2018….
Le Monde 9 janvier