A l’occasion d’une séance au laboratoire Pelagis CNRS de la Rochelle, qui a vu l’autopsie de 24 dauphins communs par plusieurs vétérinaires, dont le Dr Thierry Jauniaux de l’Université de Liège, spécialiste mondial des cétacés, la LPO et France Nature Environnement dénoncent l’inaction de l’Etat face à la mort de milliers de dauphins tués chaque hiver par certaines méthodes de pêche, dont elles demandent la suspension immédiate.
C’est un nouveau record macabre : plus de 570 dauphins communs échoués morts, portant pour 90% d’entre eux des traces de captures par la pêche, ont déjà été comptabilisés par le Réseau National d’Echouage du laboratoire Pelagis CNRS de l’Université de La Rochelle depuis le 1er janvier 2021. Ce chiffre représente une augmentation de +15% par rapport à la même période en 2020 tandis que le nombre total de dauphins tués par les filets de pêche dans le golfe de Gascogne au cours des 30 dernières années s’élèverait à près de 100.000[1].
Chaque année, essentiellement pendant l’hiver, le nombre de victimes augmente sans que l’Etat n’ait rien entrepris de concret ni d’efficace pour faire cesser cette tuerie inacceptable. En juillet 2020, la Commission européenne a mis en demeure la France de mettre un terme à la destruction des dauphins et le Conseil International pour l’Exploration de Mer (CIEM) a préconisé plusieurs scenarii d’arrêt spatio-temporel des pratiques de pêche responsables des captures de cétacés, à savoir les chaluts pélagiques et les fileyeurs. De telles fermetures ponctuelles sont notamment cruciales dans certaines zones du Golfe de Gascogne entre le 15 janvier et le 15 mars, c’est à dire pendant la période la plus critique.
Début octobre 2020, la Ministre de la mer Annick Girardin a pourtant écarté cette solution, restant sourde aux avis des scientifiques, aux exigences de la Commission européenne, aux demandes des associations de protection de la nature et de l’opinion publique. Seules quelques mesures d’évaluation (caméras, observateurs embarqués, surveillance aérienne) ont été proposées alors que les causes de la mortalité des dauphins sont déjà bien identifiées. Un recours a été déposé par FNE auprès du Conseil d’Etat contre cette inaction.
La LPO et France Nature Environnement interpellent aujourd’hui le Président de la République : le Dauphin commun, espèce en théorie protégée par la loi, se reproduit lentement et pourrait être amené à disparaitre[2] si le gouvernement ne prend pas ses responsabilités.
Nous demandons à la France de respecter l’avis des scientifiques et l‘injonction de la Commission européenne : il faut réformer au plus vite les méthodes de pêche responsables des captures de dauphins pendant l’hiver.
La première décision par rapport à l’urgence de cette hécatombe est d’arrêter pendant un mois les pêcheries responsables.
Pour Allain Bougrain Dubourg, Président de la LPO : « Alors qu’une loi est en cours de discussion au Parlement pour interdire les delphinariums en France, le gouvernement tarde à agir pour stopper l’hécatombe de dizaines de milliers de dauphins au large de ses côtes. Pourquoi une telle incohérence ? En 2021, alors que l’année mondiale de la biodiversité est organisée en France c’est le moins qu’on puisse faire ! »
Pour le Dr Vétérinaire Thierry Jauniaux : « Sur la question de la souffrance des dauphins lors des captures dans les filets de pêche, le cétacé ne meurt pas de noyade. Il meurt d’asphyxie, qui peut durer de 25 à 30’, quand il ne meurt pas d’un arrêt cardiaque provoqué par un stress intense. »
Pour Elodie Martinie-Cousty, pilote du Réseau Océans, mer et littoraux de France Nature Environnement: « La Ministre de la mer a la responsabilité d’éviter la mort de milliers de dauphins, pourtant « espèce protégée », en respectant les demandes de la Commission européenne, des scientifiques du CIEM et des ONG de fermer temporairement la pêche au pic d’échouage. C’est à dire maintenant ! »
[1] Etat des connaissances sur les captures accidentelles de dauphins communs dans le golfe de Gascogne – Synthèse 2019. Observatoire PELAGIS – UMS 3462, La Rochelle Université / CNRS, 23 pages.
[2] Rapport du Comité Scientifique de la Commission Baleinière Internationale, Nairobi, Kenya, 10-23 mai 2019