Après une fin d’année sous un climat printanier, la neige est enfin tombée sur nos sommets, enfin juste un peu. Une neige naturelle bien souvent largement abondée par de la neige artificielle, malgré les fortes tensions sur la ressource en eau. Il semble que les alertes récurrentes n’interrogent qu’une minorité d’élus de stations de montagne et pourtant…
Après des fêtes de fin d’année sous un climat printanier, la neige est enfin tombée sur nos sommets. Enfin juste un peu, pas des mètres non plus, seulement quelques dizaines de centimètres tout au plus. Une neige naturelle bien souvent largement abondée par de la neige artificielle, que les températures négatives ont permis de produire, malgré les fortes tensions qui demeurent sur la ressource en eau. Il semble que les alertes récurrentes n’interrogent qu’une minorité d’élus de stations de montagne et pourtant…
Ni la rapidité, ni l’ampleur du changement climatique n’ont été correctement anticipés avec les modèles déficients qui faisaient loi. Mais les stations s’entêtent, feignant de croire à des lendemains dans lesquels rien ne changera, pensant que l’avenir des stations de ski est garanti quoiqu’il en soit grâce au recours massif à la neige artificielle. C’est ainsi que l’argent public coule à flots pour creuser moult bassines (ou retenues collinaires), acheter quantité de canons à neige et creuser des kilomètres de tranchées à des altitudes qui pourraient parfois prêter à sourire si ce n’était pas tragique.
Pire, certains, comme le Département de la Savoie, jouent même les promoteurs immobiliers. Nous assistons toujours à une véritable « fuite en avant » d’une grande partie des stations de ski qui réalisent des aménagements lourds sur les domaines skiables avec de l’argent public. Pourquoi ? Pour justifier des programmes immobiliers générant des profits privés, tel est le modèle économique actuel des stations. Il ne s’agit nullement de survie mais de profit !
Ni l’État, ni les collectivités territoriales, comme la Région ou les Départements, ne font un geste pour mettre un terme à ce qu’il convient de qualifier de pillage. Tous ceux qui pourraient faire évoluer le modèle économique semblent tétanisés par la peur d’un effondrement. L’effondrement est pourtant l’issue certaine si la fuite en avant n’est pas contenue. En effet, les modèles climatiques utilisés sont périmés et minimisent à la fois l’impact du réchauffement et celui de la baisse des précipitations hivernales. Et l’argent public, une fois dépensé en vain pour « garantir la neige », ne pourra être dépensé une seconde fois pour financer l’indispensable transition.
Il faudra alors bien dire la vérité aux habitants des stations de basse et moyenne altitude : aucune activité ne génèrera le chiffre d’affaires du ski de piste de masse, cette activité est condamnée. Mais il ne faut pas oublier qu’une entreprise bien gérée ne s’attache pas seulement au chiffre d’affaires mais aussi et principalement au compte de résultat. C’est le bénéfice produit par une activité économique qui compte, plus que le volume d’argent brassé. Si l’on a en tête cette notion centrale, alors le ski de piste, nécessitant des investissements démesurés et impossibles à amortir dans le contexte du changement climatique, est bel et bien une impasse.
De plus, ce modèle ne permet pas de conserver une population résidente avec une dynamique positive. La Clusaz a perdu 300 habitants permanents, passant de 2000 à 1700 âmes, en 20 ans. Le Grand-Bornand a quant à lui perdu 200 habitants en 10 ans. Tandis que Le Reposoir et Nevache, qui n’ont pas d’activité de ski de masse, ont vu leur population augmenter (Données INSEE 2019).
Autre donnée d’importance : le revenu moyen disponible par personne est plus bas au Grand-Bornand qu’au Reposoir et identique entre Le Reposoir et La Clusaz (Données INSEE 2019). L’activité ski de masse ne crée donc pas de richesse pour la population résidente.
Si l’objectif des communautés montagnardes et de leurs élus était de conserver une population active et un niveau de services suffisants pour continuer à « vivre au pays », au lieu de remplir les poches d’une minorité de commerçants et d’agents immobiliers, un futur désirable serait possible. C’est grâce au patrimoine naturel et culturel, qui quoi qu’il arrive restera attractif, à la fraîcheur relative de la montagne par rapport à la plaine et au développement conjoint d’activités traditionnelles et nouvelles qui ne misent pas exclusivement sur le tourisme que repose le futur.
Nous ne sommes pas seuls à avoir cette vision de l’avenir. En attendant de pouvoir nous faire entendre, nous devons continuer ensemble à nous battre pour que ces merveilleuses terres de montagne ne soient pas davantage saccagées par ceux qui n’ont rien à gagner à ce changement de pied salvateur.
Eric Feraille
Réseau Montagne FNE AURA