L’étude des déjections animales a un nom. Ce n’est ni la « merdologie » qui vient spontanément à l’esprit, ni la scatologie qui n’est que l’expression écrite ou verbale relative aux excréments, du grec skôr : « excrément » et logos : « parole ». Non, c’est la coprologie, du grec kopros « excrément, saleté » et « logie » de logos « discours »), une science fondamentale pour comprendre la nature.
Montre-moi tes fèces, je te dirai qui tu es.
Vous vous promenez avec un naturaliste qui, soudainement, tel un Setter irlandais, marque l’arrêt ; il pointe le nez au sol tous ses sens en émoi. Vous n’aviez rien vu mais lui, si. Elle est là, superbe, alanguie sur une pierre.
« Quoi, tout ce cirque pour une crotte ! » pensez-vous au plus profond de vous-même. Une « crotte », terme générique qui ne veut rien dire : lorsque vous visitez un musée et que vous voyez un Picasso, vous ne vous exclamez pas « Oh, une peinture ! ». Eh bien, c’est pareil : dans ce cas précis il ne s’agit pas seulement d’une crotte, mais d’une « laissée ». Soit un renard, soit un mustélidé compte-tenu de l’emplacement -sur une pierre-, de la forme, de la taille, de la consistance, de la couleur, des restes comme les noyaux de cerises et de l’absence d’odeur.
Aussi, si vous ne voulez pas passer pour un rustre dans les dîners mondains, il vous faudra apprendre à utiliser les bons mots. On ne dit pas « me promenant dans le parc Montsouris, j’ai vu une merde qui me semblait bien provenir d’une fouine », ou « j’ai dû nettoyer un banc avec mon mouchoir brodé pour enlever les crottes de pigeons » car vous seriez la risée de tous. Pour les mammifères, on utilise le terme de « laissée ». Pour les pigeons celui de « fiente ». Comme disait le poète dans « les oiseaux de passage », « et le peu qui viendra, d’eux à vous, c’est leur fiente ». Pour les pigeons et la plupart des oiseaux certes, mais pas tous : pour les oiseaux qui vivent en colonies nombreuses, on utilise le terme de « guano ». Valable également pour les chauves-souris. On utilise le terme de fumier pour les poules lorsqu’il est présent en quantité et sert à amender les sols. Une fiente de poule, un tas de fumier de poules.
C’est en somme assez simple pour les oiseaux, mais un peu plus compliqué pour les mammifères.
Le terme de « laissées » est réservé aux restes posés par les carnivores mais aussi le sanglier, allez savoir pourquoi. C’est sans doute cette classification de « gibier » qui a généré des termes propres à la chasse. Ainsi que le cerf qui sert des « fumées » et le chevreuil qui offre ses « moquettes ». Le terme générique de « crottes » est utilisé pour les lièvres (mais on utilise aussi celui de « repères »), les lapins et jusqu’aux chèvres. D’où l’expression « crottes de biques ».
Faire le crottoir n’est pas interdit par la loi : le crottoir est un amas de déjections appartenant au même animal et qui revient régulièrement au même endroit. Des toilettes sèches en quelque sorte. C’est ainsi que l’on peut repérer la présence d’un animal comme la discrète genette.
Le blaireau ne fait pas le crottoir à proprement parler : il dépose ses laissées au même endroit, dans un petit trou qu’on appelle « pot » https://www.youtube.com/shorts/sosTBr5xMgg
Un seul mammifère a poussé l’élégance jusqu’à disposer de son propre nom de merde, c’est la loutre qui nous offre des épreintes. Ainsi, si vous vous promenez le long d’une rivière et que vous voyez une crotte sur une pierre -qui plus est sous un pont ou vers une confluence de deux rivières-, prenez le temps de vérifier. Si la crotte en question présente des écailles et sent le poisson, aucun doute n’est permis.
A part nous autres, pauvres humains, les mammifères sont fiers de leurs crottes. Ils les exhibent. S’en servent de signature voire d’un avertissement : défense d’entrer, ceci est mon territoire avec mes réserves de nourriture. Donner à manger à une fouine ou un renard, et vous verrez qu’à la fin du banquet non seulement il risque de vous chiper les assiettes, mais de marquer sa place de convive. Comme ceci : https://www.youtube.com/watch?v=PuKvg-V3ljY
Si vous voulez approfondir le sujet, il existe des guides de détermination des crottes comme https://atlasmam.fauneauvergnerhonealpes.org/wp-content/uploads/2017/12/Guide-illustr%C3%A9-des-crottes-de-mammif%C3%A8res.pdf ou https://www.salamandre.org/article/crottes-de-mammiferes-les-trouver-et-les-identifier/ Une bonne idée de cadeau pour le Noël de belle-maman.
Ce sont des moments de poésie culinaire. Jugez plutôt :
« Les crottes de carnivores présentent classiquement une coloration noire due à la digestion du sang de leurs proies » (un peu comme le boudin, quoi) ;
« Renard : consistance ferme, bien moulées, cylindriques, effilées à une extrémité » ; « Loutre : aspect noir goudron, huileuses, odeur de bouillabaisse (poisson) parfois de miel ! » ;
« Mustélidés (fouines, martres…) : lorsque l’animal a consommé en grande partie des fruits ou des baies…, les laissées sont allongées, compactes, non torsadées… la couleur varie avec le végétal ingéré (rose, violet, jaune…) » ;
« Les crottes des cervidés se présentent sous forme de boulettes, éléments séparés, exclusivement constituées de débris végétaux finement hachés » ;
« Les fumées de biches sont plus fines et celles de cerfs plus globuleuses » ; « d’aspect général, la crotte de sanglier ressemble à un excrément humain. La « saucisse » est formée en fait d’assemblage irrégulier d’éléments grossièrement arrondis et aplatis comme des figues sèches » etc.
Laissez-vous tenter, partez à l’aventure dans le monde merveilleux des crottes. En gardant en tête l’adage de mon ami Roger Mathieu, docteur ès-coprologie : « Humilité et réserve me semblent être les deux qualités indispensables pour mener à bien une étude sereine des indices de mammifères, et des crottes en particulier ».
Notre rubrique « les cons ça ose tout… » : en Ardèche, la Préfète fait détruire des étourneaux par un lieutenant de louvèterie, et prétexte l’urgence pour ne pas consulter le public. Après tout l’avis favorable du Président de la fédé des chasseurs suffit. Voir page 16 du recueil administratif. https://www.ardeche.gouv.fr/contenu/telechargement/25154/207782/file/recueil-07-2024-189-recueil-du%2012%20Ao%C3%BBt%202024%20-2.pdf
C’est tellement urgent… qu’ils se trompent en citant le pigeon ramier dans l’arrêté !
Encore des oiseaux victimes de copié-collé…
Naturellement vôtre,
Meles meles
https://www.youtube.com/channel/UCNjHlSraXGd-yt0RWZdWUFA