A l’occasion de la sortie de son nouvel ouvrage, Allain Bougrain-Dubourg répond aux questions de faunesauvage.frFS : Comment s’est fait le choix des animaux? Sur quels critères? Leur situation actuelle? Le degré de maltraitance? Leur notoriété? Leur statut symbolique?ABD
: A vrai dire, il n’y a pas eu de choix rationnel. Le sort de chacun s’est imposé en considérant qu’il devait se faire entendre en urgence. J’aurais malheureusement pu en ajouter bien d’autres, victimes de la maltraitance souvent par indifférence ou par habitude. Par ailleurs, considérant que le bilan était parfois insupportable, j’ai voulu ajouter quelques situations positives, comme le retour des vautours, pour montrer que le bonheur de la cohabitation était possible.
FS : Le livre mentionne les petits animaux à travers le ver de terre. N’y aurait-il pas en plus place pour un chapitre spécial sur les mal aimés en général : serpents, araignées, insectes… qui subissent dédain et élimination?
ABD : Bonne remarque ! C’est d’autant plus vrai que j’ai commencé mon engagement animalier (j’avais une vingtaine d’années) en tentant de réhabiliter les « malaimés » (serpents et rapaces) victimes de préjugés. Je présentais ces animaux dans les écoles, avec l’espoir de faire tomber les idées reçues et j’ai pu constater combien la société était conditionnée par les à priori, notamment véhiculés dans le cadre familial. C’était l’époque où l’on tuait les serpents à coups de pierres, où l’on posait des pièges à mâchoires pour amputer les buses et où l’on clouait les chouettes sur les portes des granges pour conjurer le mauvais sort. La page est heureusement tournée mais il reste des appréhensions dont certaines espèces sont encore victimes.
FS : Ce livre est un appel à une meilleure prise de conscience du reste du vivant et au changement de comportement des humains. D’une certaine façon votre appel est assimilable au mot de Pascal que vous citez à la fin : « l’intuition du coeur conduit à la raison ». La démographie, notre système économique basée sur l’accumulation sont ils compatibles avec cet appel? A quelles conditions?
ABD : le récent appel des « 15 000 scientifiques pour la planète » a pointé deux causes évidentes qui expliquent le déclin du vivant : la surpopulation sur une planète aux ressources limitées et une agriculture intensive. Dans les deux cas, on constate que l’idée du respect du vivant demeure secondaire, voire inappropriée par rapport aux objectifs productivistes. Il faut en finir et considérer que notre posture dominante sur terre ne doit pas nous exonérer du respect que l’on doit aux autres espèces. Je dirais même que notre statut nous oblige à la compassion. On ne peut ajouter la souffrance inutile à la nécessité de tuer ! En ce début de 21ème siècle, une prise de conscience semble se dessiner mais les lobbyings rétrogrades conservent une puissance de résistance qui recule l’échéance du changement. Ce dernier se fera pas à pas, secteur par secteur, sur pression de l’opinion publique. Le domaine de la consommation peut être déterminant dans cette démarche, c’est pourquoi il faut se battre pour une véritable traçabilité incluant le bien-être animal. Au fond, chaque citoyen a le pouvoir du changement…