L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a mis à jour sa liste rouge, dans laquelle 31 nouvelles espèces sont déclarées éteintes.
Le dauphin de l’Orénoque, la noix de Macadamia ou encore le chêne du Japon ont fait un nouveau pas vers l’extinction, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui a rendu publique, jeudi 10 décembre, sa liste rouge actualisée. Au total, 11 845 espèces ont été évaluées pour cette mise à jour et parmi elles, 3324 espèces sont menacées.
« A chaque actualisation de la liste, nous confirmons ce que nous savons déjà, nous perdons de la biodiversité à un rythme sans précédent, alerte Craig Hilton-Taylor, président de l’unité “liste rouge” de l’UICN. La perte d’espèces est maintenant entre 100 et 10 000 fois plus rapide que le taux d’extinction naturel. » La liste rouge le reflète clairement : 128 918 espèces ont été évaluées à ce jour, dont 35 765 sont menacées d’extinction – soit plus d’un quart des espèces prises en compte.
Dans cet état des lieux, la France figure parmi les dix pays hébergeant le plus grand nombre d’espèces menacées : 1 606 espèces menacées au niveau mondial sont présentes sur son territoire, en métropole et en outre-mer.
L’inventaire dressé par l’UICN plusieurs fois par an est aujourd’hui un indicateur privilégié pour suivre l’état de la biodiversité dans le monde. « La liste rouge est une source de données complète sur la conservation, explique Nicolas Loiseau, chercheur en écologie à l’université de Montpellier. Elle permet de mettre en place des programmes de recherche et de conservation adaptés. »
L’impact du réchauffement
Mais pour certaines espèces, il est déjà trop tard. Ainsi, 31 nouvelles espèces ont été déclarées éteintes à l’état sauvage (plus aucun spécimen n’ayant été repéré dans la nature), parmi lesquelles se retrouvent beaucoup d’animaux aquatiques : grenouilles, poissons d’eau douce, etc. « Les espèces qui ont des aires de distribution très restreintes sont les plus menacées, explique Nicolas Loiseau. Les poissons dans un lac ou les grenouilles dans une mare, par exemple, ne peuvent pas fuir en cas de pollution ou de feu de forêt. »
Ces 31 espèces s’ajoutent aux 980 déjà considérées comme éteintes depuis que l’UICN se livre à ce travail de recensement, débuté en 1964. « Ce chiffre est très marquant, poursuit le chercheur français. D’autant plus qu’il ne prend pas en compte les espèces qui s’éteignent avant d’être répertoriées. » En effet, bien qu’il soit très difficile d’en connaître le nombre, les chercheurs estiment à environ 10 millions le nombre d’espèces sur Terre, dont plus de 80 % restent inconnues.
Et selon les scientifiques, pas besoin de chercher très loin pour trouver les raisons de ce déclin de la biodiversité de la planète. « Bien qu’elles soient variées, les menaces qui pèsent sur les espèces ont un point commun, explique Craig Hilton-Taylor, elles sont presque toutes causées par l’interaction des humains avec la nature : nos modes de production et de consommation non durables, le commerce illégal d’espèces sauvages, la pollution, les espèces envahissantes ou le changement climatique. » Selon l’étude, 19 % des espèces menacées seraient directement affectées par le dérèglement du climat.
Vingt-six améliorations de statut
Passé cet amer constat, quelques bonnes nouvelles sont tout de même soulignées dans le rapport de l’UICN. Les chercheurs ont recensé 26 améliorations de statut, où les espèces se portent mieux que dans le passé. C’est le cas de la grenouille d’Oaxaca, en danger critique jusqu’alors, et désormais classée parmi les espèces quasi menacées. Le bison d’Europe, le plus grand mammifère terrestre du continent, est lui passé du statut « vulnérable » à « quasi menacé », grâce à des efforts de préservation. Entre 2003 et 2019, sa population est passée d’environ 1 800 à plus de 6 200.
Cependant, l’espèce reste dépendante de ces mesures. « Ce genre de rétablissement est une bonne chose, mais cela montre qu’on est obligé d’avoir une intervention régulière de l’homme pour maintenir cette espèce », déplore Nicolas Loiseau. Pour le chercheur, il est important d’agir en amont, avant la mise en danger des espèces : « Il faut préserver les écosystèmes dans leur globalité pour éviter que la nature ne ressemble à un zoo et qu’elle ne puisse fonctionner sans intervention de l’homme. »
Le président de l’unité liste rouge confirme : « Des exemples comme le bison d’Europe montrent que la conservation fonctionne, que les espèces peuvent être sauvées de l’extinction. Mais les efforts doivent augmenter en échelle et impliquer tous les secteurs de la société, insiste Craig Hilton-Taylor. Cela équivaut à une transformation fondamentale de nos économies, loin de l’exploitation de la nature et vers la durabilité. Pour y parvenir, nous avons besoin d’objectifs mondiaux et nationaux ambitieux pour réduire les émissions et protéger les habitats et les espèces. »
Cette nouvelle actualisation de la liste rouge survient juste avant l’adoption du cadre mondial de la biodiversité pour l’après 2020, les nouveaux objectifs de préservation des espèces qui seront discutées lors de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique, prévue à Kunming, en Chine, en 2021.
photo : Un tucuxi, ou dauphin de l’Orénoque (Sotalia Fluviatilis), en 2018. Fernando Trujillo