Afin d’étendre progressivement la Liste rouge nationale à de nouvelles espèces, le risque de disparition de tous les éphémères recensés sur le territoire métropolitain a été évalué. Après l’analyse des données récoltées et des informations compilées pour chacune des 142 espèces, les résultats montrent que 22 % sont menacées et mettent en évidence les pressions qui pèsent sur ces insectes et leurs habitats.
Des insectes bio-indicateurs au cycle de vie original…
Les éphémères vivent principalement dans les eaux courantes. Leurs larves, strictement aquatiques, se développent par mues successives durant quelques mois et jusqu’à trois ans. A maturité, elles se transforment en adultes ailés qui ne se nourrissent plus et assurent simplement la reproduction. Cette vie adulte extrêmement brève, de quelques heures à quelques jours selon les espèces, est à l’origine du nom donné à ce groupe d’insectes.
Transformant la matière végétale – principalement des algues microscopiques – en matière animale, les éphémères se situent à la base de la chaîne alimentaire. Ils sont la proie d’un grand nombre d’animaux qui consomment aussi bien les larves que les adultes : libellules, punaises d’eau, poissons, oiseaux ou encore chauves-souris. Du fait de leur respiration aquatique assurée par des branchies, les larves sont particulièrement sensibles à la pollution et à l’élévation de la température. Ces insectes sont ainsi de très bons bio-indicateurs de la qualité des milieux d’eau douce.
… confrontés aux pressions d’origine humaine sur leurs habitats
Certaines pressions entraînent la modification de l’écoulement, du débit et du lit des cours d’eau. C’est le cas par exemple de la construction de digues, de barrages ou de microcentrales hydro-électriques, auxquels s’ajoutent l’aménagement et l’entretien des berges et le dragage des fonds. L’intensification des pratiques agricoles constitue une autre menace importante, avec le pompage pour l’irrigation ou la mise en culture de zones humides en tête des bassins versants. Les stations de sports d’hiver, par le prélèvement d’eau pour les canons à neige, et les activités sportives d’eaux vives, affectent également les milieux où vivent ces espèces.
D’autres pressions contribuent à la dégradation de la qualité des eaux, que ce soit en termes de composition chimique ou de température. Les rejets de polluants urbains, les effluents agricoles issus de l’élevage intensif et les effluents industriels, dont ceux des eaux de refroidissement des centrales nucléaires, menacent particulièrement les éphémères. L’exploitation forestière altère aussi la qualité du milieu, lorsqu’elle repose sur des essences modifiant l’acidité des sols. A plus large échelle, ces espèces subissent l’impact du lessivage des sols dû à l’agriculture intensive, le drainage des terres cultivées et l’extension des surfaces urbaines imperméabilisées. Parmi les autres nuisances, la pollution lumineuse affecte directement le cycle biologique des éphémères, attirant les adultes et réduisant leurs chances de reproduction.
Les résultats de cet état des lieux appellent avant tout à améliorer la qualité des cours d’eau et à restaurer leur naturalité, pour préserver ces espèces au rôle clé dans les écosystèmes, essentielles comme indicatrices de l’état de santé des milieux aquatiques et de la faune et la flore qui les accompagnent.
Mené dans le cadre de la Liste rouge des espèces menacées en France, cet état des lieux a été réalisé par le Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN France) et le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN), en partenariat avec l’Office pour les insectes et leur environnement (Opie).
Publication et résultats détaillés disponibles sur : www.uicn.fr/liste-rouge-