Pour rester le premier producteur européen de sucre et pour soutenir la filière agro-industrielle, dès 2021, le gouvernement français a indiqué vouloir autoriser de nouveau l’utilisation des néonicotinoïdes, et ce pour une période potentielle de trois années consécutives. L’annonce a été officialisée le 6 août dernier par J. Denormandie, Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation et par B. Pompili, Ministre de la Transition écologique. Sur son compte twitter, la Ministre a heureusement pris soin d’indiquer que cette dérogation n’était « pas satisfaisante dans la durée ». Selon cette même annonce, la dérogation à l’interdiction générale d’utilisation des néonicotinoïdes posée dans la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et applicable depuis le 1er septembre 2018 ne devrait concerner que les cultures de betterave. Par ailleurs, pour l’heure, seul l’enrobage des semences serait prochainement autorisé. La pulvérisation resterait interdite tout comme serait maintenue l’interdiction de planter des cultures à fleurs lors de la saison culturale suivante.
Alors que Mme la Ministre annonçait sur son compte twitter que la dérogation restait «légère», la SNPN dénonce fermement le projet portant dérogation à l’utilisation des néonicotinoïdes. Les néonicotinoïdes sont de puissants insecticides dont la nocivité n’est plus à démontrer(1), y compris pour la santé humaine2. Cette nocivité est d’ailleurs bien plus étendue que ne le prétendent les acteurs majoritaires de la filière agricole. Famille d’insecticides composée de sept molécules dérivées de la nicotine, les néonicotinoïdes sont des produits dits « systémiques » et dotés d’une grande rémanence. Par conséquent, ils présentent un risque élevé de nocivité pour l’ensemble de la biodiversité toute l’année. Ils affectent dès lors l’entomofaune dont la faune apicole et plus généralement l’ensemble des pollinisateurs, la faune ornithologique mais également la qualité des sols et des eaux. Déjà, à l’occasion de la discussion de la loi, la SNPN avait milité pour l’interdiction totale de ces substances et s’était alors réjouie de l’aboutissement parlementaire. Un colloque avait d’ailleurs été organisé en septembre 2018 auquel avait participé notre Président.
En raison de leur caractère hautement toxique, toute dérogation à l’interdiction d’utilisation des néonicotinoïdes, même encadrée, même temporaire, est inacceptable. Le principe de non-régression en matière de protection de l’environnement est la seule ligne d’horizon viable pour les socio-écosystèmes. Aucune modification législative ne doit être engagée en ce sens et, à l’évidence, cette dérogation ne doit en aucun cas être étendue à d’autres filières. Les alternatives non chimiques, déjà existantes(3), doivent être déployées : lutte biologique, méthodes culturales, assolements, dispositif assurantiel…
En définitive, la crise de la filière betterave sucrière n’est pas seulement une crise écologique ou technique, elle est la crise d’un système économique intensif et mondialisé.
Voir le communiqué de la SNPN : ICI