Une équipe internationale (France, Angleterre, USA, Danemark) de scientifiques a estimé les taux de cancer de près de 200 espèces de mammifères afin de déterminer quelles caractéristiques pourraient favoriser leur sensibilité face à cette pathologie.
Le cancer est une cause majeure de décès dans nos sociétés modernes avec plus de 10 millions de vies arrachées chaque année dans le monde. Plus de 40 % des individus sont désormais tôt ou tard concernés par des problèmes cancéreux au cours de leur vie (avec un taux de décès d’un sur quatre en moyenne).
On retrouve aussi le cancer à travers l’arbre phylogénétique du vivant, suggérant que la présence de cette pathologie à travers l’histoire évolutive des organismes multicellulaires. Cependant, de façon surprenante, l’oncologie est une discipline qui s’est, pour le moment, développée de manière complètement isolée d’autres sciences telles que l’écologie ou la biologie évolutive, malgré le constat grandissant que l’interaction de ces disciplines leur apportent un bénéfice réciproque.
Une des thématiques majeures de la discipline émergente que constitue l’évolution du cancer s’intéresse aux différences de prévalences de cancer entre espèces, et donc à l’évolution de résistances face à cette pathologie chez certaines d’entre elles.
Par exemple, la relation entre taille corporelle et prévalence de cancer est un sujet qui passionne les biologistes évolutifs depuis plusieurs années. Cet intérêt vient du fait que le processus cancéreux est initié puis progresse via l’accumulation de mutations, or si chaque division cellulaire a la même probabilité de générer des mutations, alors les espèces de grandes tailles et généralement plus longévives, qui nécessitent donc plus de divisions cellulaires, devraient développer plus de cancers que les espèces de petites tailles à durée de vie plus courte. Cependant, certaines espèces de grandes tailles comme les éléphants ne semblent pas montrer une plus grande susceptibilité au cancer que les espèces de petites tailles, et cette absence de relation entre taille et taux de cancer est appelée le paradoxe de Peto.
Afin de mieux comprendre ce paradoxe, une étude publiée dans le journal Nature a analysé la plus grande base de données jamais construite sur le cancer des animaux sauvages, à partir d’animaux en captivité, afin d’estimer la prévalence de cancer pour 191 espèces de mammifères.
Les résultats montrent l’omniprésence du cancer chez les mammifères avec de fortes variabilités de prévalence entre espèces. Les carnivores, et notamment ceux qui consomment des mammifères, montrent les taux de cancer les plus élevés. Ce pattern pourrait être expliqué par une diversité plus faible du microbiote intestinal, une activité physique trop limitée en zoo ou des infections avec des virus oncogènes plus fréquentes.
Concernant l’effet de la taille corporelle ou de la longévité, ces travaux confirment la validité du paradoxe de Peto et suggèrent donc que l’évolution de la grande taille s’est faite conjointement avec l’évolution de défenses anticancer.
Enfin, cette étude permet aussi d’identifier certaines espèces présentant de très faibles prévalences de cancer telles que l’antilope cervicapre, le mara, les ongulés ou plus généralement les espèces de grandes tailles comme des outils pour identifier de nouveaux mécanismes de résistance aux cancers qui pourraient servir de sources d’inspiration pour le développement de nouvelles thérapies.
A lire sur ce sujet :
- Chez les mammifères sauvages comme chez les humains, les femelles vivent-elles aussi plus longtemps ?
- Pourquoi les éléphants sont-ils immunisés contre le cancer ?
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: Antilope cervicapre; Crédit : Bishnu Sarangi / Pixabay – Licence : CC0
Source : notre-planète.info